Par Stive Roméo Makanga
Un conflit foncier d’une ampleur préoccupante secoue actuellement le quartier Akounam I, à proximité du centre des métiers Jean Violas de la SEEG, dans la capitale gabonaise. En effet, le litige oppose Parfait Moundounga Doukakas, héritier d’une parcelle de terrain appartenant à son défunt père, à l’actuel colonel Christian Mabila Lamoureux. Un dossier qui met en exergue des questions de droits fonciers, de mauvaise foi apparente, et des actes d’intimidation qui appellent l’attention des plus hautes autorités du pays.
La parcelle de terrain en question, d’une superficie de plus de 25 000 m², avait été initialement attribuée à feu Doukakas Nziengui Mukwaty, père de Parfait Moundounga Doukakas, dans le cadre d’une procédure d’attribution lancée dès 1977. Selon les faits qui ont été rapportés à notre Rédaction, le terrain, situé dans la zone Nomba Domaine, avait été inscrit par le cadastre gabonais après l’obtention d’un arrêté ministériel en date du 20 décembre 1979. Un fait déterminant, car il marque le début des démarches administratives légales visant à régulariser la situation foncière de ce bien.
Cependant, cette procédure avait été interrompue en 1989 suite à l’arrestation du défunt lors des événements politiques de l’époque, laissant plusieurs documents administratifs cruciaux dispersés et inaccessibles.
Dans les années 1990, le beau-père du colonel Christian Mabila Lamoureux, Monsieur Divungui Di Ndinge Di Djob, ancien vice-président d’Omar Bongo Ondimba, avait sollicité un droit de passage sur la parcelle familiale, tout en s’engageant à financer la construction d’une route permettant l’accès à celle-ci. Toutefois, face à des manœuvres jugées “douteuses”, une déclaration sur l’honneur avait été obtenue, dans laquelle sieur Divungui reconnaissait le droit de passage de la famille Doukakas sur la parcelle en question. Ce point constitue un élément central dans le processus de régularisation du terrain.
Mais c’est bien plus tard, dans les années 2010, que le colonel Christian Mabiala Lamoureux, appuyé par ses liens familiaux, aurait entamé une démarche auprès de la Société Nationale Immobilière (SNI) pour revendiquer la parcelle. Pourtant, des documents administratifs datant de 1977 et 1979 viennent sérieusement questionner la légitimité de sa requête, d’autant plus que la SNI n’a été impliquée dans la gestion de ces terres qu’à partir de 2012, bien après les démarches entreprises par la famille Doukakas.
Au-delà des aspects administratifs du conflit, des accusations de mauvaise foi et d’intimidation sont formulées à l’encontre du colonel Christian Mabiala Lamoureux. Dans un document dont nous avons obtenu copie, le 13 octobre 2021, après que des travaux de nettoyage aient été réalisés sur le terrain, des agents de la brigade B2 seraient intervenus sans justificatifs légaux, procédant à l’arrestation de deux jeunes frères de Parfait Moundounga Doukakas. Un acte qui ne se serait pas arrêté là, puisque des menaces de violence physique auraient été rapportées.
De plus, les intimidations ne se seraient pas limitées à cet incident. Il semble que le 11 janvier 2024, les murs en construction de la maison de Parfait Moundounga Doukakas ont été détruits, un acte accompagné de marquages suggérant l’implication d’une administration publique dans cette destruction. De plus, une clôture en parpaings a été érigée sur le terrain, ce qui a conduit à l’interpellation de militaires en civil sur place.
Face à de telles manœuvres, Parfait Moundounga Doukakas a exprimé sa profonde inquiétude et appelle désormais les autorités compétentes à intervenir. « La force ne doit pas prévaloir sur le droit », souligne-t-il. Il a aussi fait appel à la vigilance des institutions gabonaises, notamment les ministères de l’Urbanisme, du Cadastre et des Affaires Foncières, afin de garantir le respect des droits fonciers des citoyens gabonais, sans distinction entre civils et militaires.
Le cas qui nous occupe est révélateur d’une problématique plus large qui touche de nombreux citoyens gabonais confrontés à des conflits fonciers. Il s’agit d’une question de justice, mais également de transparence et de sécurité juridique, des principes fondamentaux qui doivent être protégés dans le cadre de la Transition en cours. En effet, ces événements engendrent, s’il n’en était encore besoin, des interrogations sur la façon dont les terres publiques et privées sont gérées et sur l’impact des relations de pouvoir sur les procédures administratives.
Ce conflit foncier qui oppose un civil à un militaire invite une fois de plus à une réflexion sur la nécessité d’assurer une séparation claire des pouvoirs et une égalité devant la loi, notamment en matière de gestion des terres. Dans cette période de transition, les institutions du pays doivent jouer un rôle décisif pour faire respecter les droits des populations et garantir une justice impartiale, loin des abus de pouvoir.
Les autorités gabonaises sont donc appelées à se saisir de cette affaire afin d’assurer que la vérité et la justice prévalent dans ce dossier, et que de tels incidents ne se reproduisent pas à l’avenir. Le Gabon a l’opportunité de renforcer son engagement en faveur de la protection des droits fonciers et de la sécurité juridique pour tous ses citoyens, dans un cadre de transparence et de bonne gouvernance.
Nota Bene : la Rédaction de Kongossa News n’ayant pu joindre le colonel Christian Mabiala Lamoureux, rassure ce dernier sur sa parfaite disposition à lui donner une tribune d’expression, en réaction à cet article, si besoin.
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