Le discours du président de la transition à Tchibanga, aura eu l’effet d’une bombe au sein du gouvernement de la transition. Certains ministres, habitués depuis leur nomination à n’en faire qu’à leur guise selon leurs propres convictions et intérêts personnels, en ont pris pour leur compte à Tchibanga. Ce discours aura eu le mérite de clarifier la position du président de la transition face aux nombreuses récriminations faites aux membres de son équipe.
Depuis sa prise de pouvoir par la force le 30 août 2023, de nombreux Gabonais avaient espéré voir leur quotidien s’améliorer. Longtemps malmenés par les autorités déchues, méprisés par les étrangers qui s’appropriaient tous les privilèges sous le regard bienveillant des autorités gabonaises, les populations de toutes les couches sociales, professionnelles et politiques n’avaient que leurs cris et leurs larmes pour manifester leurs attentes.
C’est donc avec tous les espoirs que les Gabonais de tous bords ont accueilli avec ferveur ce qui s’est passé le 30 août 2023, considéré à juste titre comme un coup de libération. Des espoirs que le président de la transition n’avait d’ailleurs pas manqué de rassurer et de confirmer par des déclarations chocs : la nationalisation de notre économie, la préférence nationale dans tous les actes de la vie, la protection des hommes de presse, l’extension du réseau d’adduction d’eau, la construction de routes carrossables en toute saison, la fin des dirigeants véreux à la tête des administrations. Bref, le chapelet des promesses était très élogieux. Il y avait donc de quoi réjouir tous les acteurs de la société civile, les politiques et toutes les classes sociales.
Cependant, moins d’un an à la tête du pays, force est de constater que les lignes n’ont pas véritablement bougé. À l’exception de quelques routes faites en béton ici et là, aucun véritable changement ne pointe à l’horizon. En dix mois, on observe comme un essoufflement des membres du Comité de transition pour la restauration des institutions (CTRI). Pire, les mauvaises habitudes qui ont causé le malheur de nombreux Gabonais semblent avoir repris le dessus.
Les propos du président de la transition, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguéma, sonnent donc comme la fin de la récréation, en demandant à chacun de prendre ses responsabilités en quittant le bateau, au regard de leur incompétence et de leur incapacité à mettre en œuvre des politiques publiques capables de répondre aux attentes du peuple dans toutes ses composantes. Le président aura simplement demandé à chacun de choisir entre servir le peuple et se servir eux-mêmes.
L’exemple de ce jeune homme dont le ministre des Eaux et Forêts a arraché les documents et fermé la scierie est une honte pour un ministre venu remplacer l’Écossais Lee White, mais qui aujourd’hui en dix mois ferait pire que le blanc déchu. Le président de la transition a été clair : “Remettez-lui ses papiers et laissez-le ouvrir sa scierie. S’il n’a pas payé les impôts, fermez les yeux, c’est un Gabonais qui doit employer d’autres Gabonais.” Peut-on être plus clair pour un chef d’État nationaliste ?
Le président de la transition donne ainsi raison, semble-t-il, aux défenseurs de la nationalisation de notre économie comme le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises et industries (CGPMEI), Emmanuel Marcos Zué Meyé Eyené, qui ne ménage aucun effort pour faire entendre la voix des entrepreneurs nationaux malmenés par certains ministres, dont le ministre des Eaux et Forêts. “Ils sont très peu, les ministres qui écoutent d’autres voix en dehors de celles de leurs mafieux collaborateurs. Je ne peux m’empêcher de dire que le départ de Lee White avait sonné comme une libération pour nous les forestiers gabonais. Mais rien ne nous préparait à vivre ce que le général Ntossui Maurice nous fait subir. Pendant que tous les forestiers de la filière de récupération de bois abandonnés sont au chômage, ses parents et les amis du directeur général des forêts exploitent allègrement nos bois. Il y a deux semaines, ce ministre nous a dit en face qu’il se moquait des Gabonais. ‘SI LES CHINOIS ONT L’ARGENT, ILS EXPLOITERONT.’ Ces propos nous avaient été balancés en plein visage une semaine avant la tournée du président à Tchibanga” a indiqué Emmanuel Marcos Zué Méyé Eyene.
Et: “Quant au ministre de l’Industrie, il brille par son mépris à l’égard des nationaux, sauf s’ils sont amis avec les parents de son cabinet. Comment peut-on accepter que les industriels installés au Gabon continuent de privilégier les prestations de nos frères africains au détriment des nationaux ? Malgré les nombreux constats flagrants que nous portons à son attention et à celle du directeur général de l’Industrie, ces deux personnes demeurent insensibles, préférant voir nos frères africains, que nous respectons au passage, continuer à prendre nos opportunités d’affaires et d’emplois, en dépit des obligations de la loi qu’ils sont censés faire appliquer. Regardez le scandale de l’intoxication alimentaire des porcs par le complexe agro-industriel de Foberd Gabon. Le ministre et son DG sont complètement déconnectés de ce dossier. Aucune réaction attendue de leur part, alors qu’ils sont les premiers responsables dans cette affaire, car ils garantissent la qualité des procédés de transformation de tout produit en République gabonaise”.
Dans sa verve habituelle, le président de la CGPMEI n’a pas manqué de s’indigner : “Toujours à jeter la poudre aux yeux du président de la transition avec des projets sans véritable impact économique et social. Quant au secteur du tourisme et de l’artisanat, il est inadmissible de voir à quel point ce secteur souffre par la volonté de quelques individus soucieux de préserver leurs petits intérêts au détriment de ceux du plus grand nombre. Comment expliquer qu’un secteur aussi porteur soit toujours à la traîne ? Nous étions, avec le soutien du ministre, sur le point de réaliser quelque chose d’innovant et de jamais vu dans ce domaine : sortir l’artisanat de sa léthargie pour bâtir une structure légale et technique capable de porter une part importante du développement économique national. Mais des collaborateurs, qui pensent être tout-puissants autour du ministre, ont agi selon leurs intérêts, et tout est bloqué. Aussi longtemps que de nombreux ministres seront entourés de personnes mesquines, véreuses et sans scrupules, le changement tant attendu viendra difficilement”.
Toute la question aujourd’hui est de savoir pour qui roulent ces ministres et leurs directeurs généraux, croit savoir Emmanuel Marcos Zué Méyé Eyene. “Une chose est certaine, le discours du président de la transition vient de nous révéler que ces ministres roulent pour leurs propres intérêts. Dans ce cas, nous demandons qu’ils soient déchargés de leurs fonctions et cèdent la place à des compatriotes capables d’être à l’écoute des attentes du peuple que nous incarnons tous” a-t-il conclu.