Par Stive Roméo Makanga
Le feuilleton juridique entre l’Étude Alfred Bongo Ondimba et BGFIBANK, initié il y a près de dix ans, s’enlise dans une succession de rebondissements qui laissent perplexes aussi bien les observateurs que les protagonistes eux-mêmes. La récente condamnation de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) à verser plus de 3 milliards de francs CFA au notaire, bien que notable, vient ajouter une couche supplémentaire à une affaire déjà embrouillée. Mais que révèle réellement cette décision de justice sur l’état de notre système judiciaire ?
D’abord, rappelons les faits. En 2015, le Fonds Gabonais d’Investissements Stratégiques (FGIS) transfère une certaine somme au notaire Alfred Bongo Ondimba dans le cadre de sa participation au capital de Tropical Holding, une société issue d’un partenariat public-privé. Problème : BGFIBANK, chargée d’assurer la transaction, fait disparaître du compte client du Notaire la coquette somme de 1.500.000.000 francs CFA en une frappe spectaculaire. Or, cette somme représentait le capital de la société Tropical.
La BGFIBANK reçoit près de 900 millions de francs CFA en trop et refuse ensuite de restituer ce surplus, prétextant une insuffisance de provisions. Depuis, ce qui aurait pu n’être qu’un simple différend bancaire a dégénéré en une bataille juridique aux ramifications complexes.
Ce n’est qu’en 2022 que la Cour d’appel judiciaire de Libreville condamne BGFIBANK à verser diverses sommes à Me Alfred Bongo Ondimba. Pourtant, cette décision de la Cours d’appel qui prouve l’innocence du Notaire et à contrario la culpabilité de la banque qui 10 ans après les faits n’apporte aucune preuves probante sur la responsabilité du Notaire qui selon leurs avocats est le seul responsable de la disparition de cette somme.
En outre, cette décision semble avoir ouvert la voie à de nouveaux conflits, notamment avec la SEEG. Cette dernière, créancière à hauteur de 40 milliards de francs CFA auprès de la BGFIBANK, refuse d’appliquer une saisie-attribution ordonnée par le notaire. La SEEG viole ainsi l’article 58 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution (AUPSRVE).
La condamnation de la SEEG à payer plus de 3 milliards de francs CFA est une autre victoire pour l’Etude Alfred Bongo Ondimba.
Cette affaire illustre aussi, de manière inquiétante, les conflits d’intérêts qui gangrènent notre système. Comment expliquer qu’un avocat, chargé de défendre l’Étude Alfred Bongo Ondimba, puisse également être Conseil de la SEEG ? Cette situation, qui aurait dû alerter dès le départ, semble avoir été négligée, tout en jetant une ombre sur l’intégrité des procédures en cours.
Enfin, il est impossible d’ignorer le rôle ambigu de la BGFIBANK dans cette affaire. La banque, acteur central du litige, s’est montrée remarquablement indifférente aux demandes légitimes du notaire, tout en continuant à jouir d’une position de force. Ni les tentatives de conciliation, ni l’intervention de la COBAC n’ont permis de dénouer cette situation. Cette impunité, dont elle semble bénéficier, pose question sur les influences qui peuvent peser sur certaines institutions financières au Gabon.
Alors que cette affaire est désormais portée devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) d’Abidjan, peut-on s’attendre à une issue favorable ? Rien n’est moins sûr. Tant que les enjeux politiques et financiers continueront de prévaloir sur la justice et la transparence, ce litige restera un symbole de l’opacité qui règne dans certains secteurs clés de notre pays.
Le dénouement tant espéré se fait encore attendre. En pour le moment, la confiance des populations dans les institutions s’érode un peu plus chaque jour. Une situation qui, si elle perdure, pourrait avoir des répercussions bien au-delà de cette seule affaire. Le Gabon mérite mieux que cela. Il est temps que la lumière soit faite sur cette sombre histoire.
Nous y reviendrons !