Par Stive Roméo Makanga
La clôture des travaux de l’Assemblée Constituante, ce dimanche 22 septembre 2024, laisse un goût amer. Si, au premier abord, ces travaux semblaient inscrire le Gabon dans une dimension de refondation institutionnelle et de consolidation de l’État de droit, une analyse plus approfondie révèle que cette instance n’a fait que valider les ambitions politiques de Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la Transition. À quelques mois de la fin de son mandat transitoire, celui-ci prépare le terrain pour briguer, sans équivoque, son premier mandat présidentiel en août 2025. Il faut désormais s’en convaincre.
Dès l’ouverture des débats, il est apparu clairement que le Parlement, réuni en Assemblée Constituante, jouait le jeu du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI). Une position inopportune, qui a consolidé la concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif. En effet, en adoptant un régime présidentiel renforcé, les parlementaires ont, de fait, octroyé des prérogatives démesurées au futur chef de l’État. Parmi les dispositions controversées figure la durée du mandat présidentiel, désormais fixée à sept ans, renouvelable une fois. Il s’agit là d’un choix surprenant, d’autant plus que dans toute démocratie moderne, la limitation à cinq ans par mandat est privilégiée, et garantit un équilibre entre continuité du pouvoir et renouvellement démocratique. Ce délai de sept ans, excessivement long, permet au président en exercice d’imprimer durablement sa marque sur l’ensemble des institutions, au risque de les plier à ses ambitions personnelles.
Par ailleurs, l’adoption de la capacité du président de la République à dissoudre l’Assemblée nationale constitue une dérive inquiétante. Il est évident qu’un tel pouvoir, en apparence légitime dans certains régimes, peut devenir une arme redoutable entre les mains d’un dirigeant. En effet, la possibilité de dissoudre le Parlement, sans réel contre-pouvoir, fragilise l’équilibre des institutions et risque de faciliter l’adoption de lois iniques, servant avant tout les intérêts de l’exécutif. Cette disposition, qui renforce la mainmise du président sur les affaires législatives, s’avère contraire à l’esprit d’une séparation effective des pouvoirs, principe fondateur de toute république démocratique.
Un autre point qui soulève de vives critiques concerne la question de la nationalité du futur président de la République. L’Assemblée Constituante a validé un texte qui stipule que le chef de l’État devra obligatoirement être de père et de mère gabonais, eux-mêmes issus de pères et de mères gabonais. Cette exigence, véritable régression, instaure une forme de discrimination inacceptable dans une société où la diversité culturelle et ethnique a toujours été une richesse. En imposant une telle condition, le texte de la future Constitution fait fi de la réalité contemporaine du Gabon et institue, de manière implicite, une distinction entre des « Gabonais de souche » et des « Gabonais à demi ». Or, il est inconcevable qu’un État moderne s’engage sur une voie si étroite, excluant de facto des citoyens potentiellement aptes à diriger le pays, mais jugés indignes en raison de leurs origines familiales.
Dans cette perspective, il apparaît que l’Assemblée Constituante a manqué l’opportunité d’ériger des garde-fous démocratiques solides. Elle s’est au contraire pliée aux volontés d’un pouvoir exécutif désireux de consolider son emprise. En privilégiant un mandat présidentiel de sept ans, en conférant des pouvoirs disproportionnés au président, notamment la capacité de dissoudre l’Assemblée nationale, et en instaurant une condition de nationalité restrictive, elle a validé un texte qui prépare indéniablement le terrain à Brice Clotaire Oligui Nguema, en quête d’une légitimité politique à long terme.
Il est désormais impératif que le peuple gabonais, appelé à se prononcer sur cette Constitution lors du référendum à venir, prenne pleinement conscience des enjeux de ce texte. Le choix qui sera fait déterminera l’avenir démocratique du Gabon. Cependant, force est de constater que l’Assemblée Constituante n’a pas rempli la mission de refondation qu’elle s’était initialement fixée, mais a plutôt jeté les bases d’un renforcement autoritaire sous couvert de restauration institutionnelle. C’est un fait.