Par Joseph Mundruma
Le climat politique au Gabon vient d’être une nouvelle fois secoué par une révélation troublante concernant la gestion de la Cour constitutionnelle, pilier essentiel de l’État de droit dans le pays. Alors que le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) s’efforce de projeter une image de renouveau et de transparence, une révélation fracassante faite par nos confrères du journal infos241 remet en cause la sincérité de cette transition. En effet, un rapport récent de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, daté du 30 septembre, a mis à nu une dissimulation inattendue : Marie Madeleine Mborantsuo, dont la nomination en tant que présidente de la Cour constitutionnelle avait été annulée sous la pression populaire, est aujourd’hui présentée comme présidente honoraire de cette même institution.
Cette révélation de nos confrères fait l’effet d’une bombe, tant elle verse au débat non encore épuisé, des interrogations profondes sur l’intégrité du processus de transition en cours. La population gabonaise, qui avait accueilli avec soulagement l’annonce de l’annulation de la nomination de Mme Mborantsuo le 2 février dernier, se retrouve aujourd’hui face à une trahison qui éclaire d’un jour nouveau les méthodes opaques des organes de la transition.
En effet, le 2 février 2024, la Cour constitutionnelle, acculée par la pression populaire, avait fait l’annonce retentissante de l’annulation de la nomination de Marie Madeleine Mborantsuo, figure controversée et omniprésente dans la sphère judiciaire gabonaise. Cette décision avait été saluée comme une victoire par les mouvements citoyens, tant 3M incarnait, pour beaucoup, le symbole du système Bongo-PDG et de sa longévité au pouvoir. La Cour, par ce geste, semblait vouloir tourner la page et inscrire son action dans une dynamique de changement en phase avec les aspirations de la population.
Mais la révélation du rapport de la CIJ, concernant le différend territorial entre le Gabon et la Guinée équatoriale sur l’île Mbanié, vient jeter un voile sombre sur cette prétendue volonté de rupture. Dans ce document, Mme Mborantsuo y est présentée comme “présidente honoraire” de la Cour constitutionnelle, un poste qui semblait avoir été relégué aux oubliettes le 2 février dernier. Cette mention laisse perplexe, car elle suggère que, dans les coulisses du pouvoir, des décisions contraires aux annonces officielles continuent d’être prises, à l’insu des populations, et de la société civile.
Ce retournement de situation engendre des problématiques majeures quant à la sincérité du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) dans sa gestion de l’appareil judiciaire. Est-il possible que cette manœuvre ait été orchestrée en coulisse, sans que la population n’en soit informée ? La réintégration discrète de Marie Madeleine Mborantsuo, sous le titre de présidente honoraire, laisse planer des doutes sur l’indépendance et la crédibilité des institutions mises en place par la Transition.
Dans un pays où la justice a souvent été perçue comme inféodée au pouvoir en place, cette révélation jette un voile d’opacité sur la volonté réelle des membres du CTRI de procéder à une véritable refonte institutionnelle. Ce retour en force d’une figure aussi emblématique que controversée est-il le signe que le système Bongo-PDG, que beaucoup pensaient enterré, continue en réalité de tirer les ficelles dans l’ombre ? C’est la question que l’on se pose.
La légitimité de la Transition gabonaise, déjà mise à mal par plusieurs événements récents, est aujourd’hui plus que jamais remise en question. Cette affaire pose de sérieuses interrogations sur la transparence des décisions prises par la Cour constitutionnelle, qui, loin de refléter les aspirations de changement réclamées par la population, semble perpétuer les pratiques d’une époque que le Gabon espérait révolue.
Marie Madeleine Mborantsuo, surnommée la “dame de fer” pour sa longévité et son influence au sein de la Cour constitutionnelle, a été une figure centrale du système Bongo. Sa présence en tant que présidente honoraire, même dans un rôle purement symbolique, est un signal fort et inquiétant quant à la direction que prend cette Transition. Le maintien de tels symboles du passé fait naître une question fondamentale : le Gabon est-il réellement en train de tourner la page du système Bongo, ou assiste-t-on à une simple réinvention de ce dernier sous des oripeaux de transition ? Au CTRI de répondre.
La Transition, telle qu’elle a été présentée au peuple gabonais, devait être synonyme de renouveau, de justice et de transparence. Pourtant, cette dissimulation orchestrée autour de la position de Mme Mborantsuo prouve que la volonté de rupture tant attendue est loin d’être accomplie. Ce retour en arrière, déguisé sous une apparence de changement, est une trahison envers les attentes populaires, et remet en cause l’authenticité du processus de réforme institutionnelle.
Il est urgent, dans ce contexte, que le CTRI clarifie sa position et réponde aux interrogations légitimes soulevées par cette révélation. La confiance du peuple gabonais, mise à rude épreuve depuis des décennies, ne pourra être restaurée qu’à travers des actions concrètes et transparentes. Le maintien en coulisse d’acteurs-clés du système honni du passé ne fait que renforcer l’idée d’une continuité, et non d’une rupture, avec les pratiques anciennes.
La transition en cours, pour être véritablement crédible, doit impérativement s’engager dans une refonte totale des institutions, sans compromission ni demi-mesure. Si le Gabon aspire à un avenir démocratique solide, il est essentiel que les symboles du passé, aussi puissants soient-ils, ne dictent plus le cours des événements en coulisse.