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[Tribune] Nouvelle Constitution/enjeux de la nationalité : Noé Mesmin Kondondo répond à Guy Bertrand Mapangou

Par Kongossanews

Dans une tribune incisive, Noé Mesmin Kondondo, ancien député gabonais, critique vigoureusement les récents propos de Guy Bertrand Mapangou sur la nouvelle Constitution, qui prône des critères d’ascendance stricte pour l’éligibilité présidentielle. L’ancien représentant du peuple accuse Guy Bertrand Mapangou de promouvoir une vision excluante et rétrograde, masquant des rancœurs personnelles et des contentieux passés. Selon Noé  Mesmin Kondondo, le débat sur la nationalité de certains responsables détourne l’attention des véritables enjeux, notamment l’intégrité des dirigeants et la transparence politique. Appelant à une révision des mentalités et à une gouvernance basée sur l’intérêt général, il insiste sur l’importance d’un débat serein et démocratique pour l’avenir du Gabon. La tribune ci-dessous publiée in extenso.

Réaction aux propos de Guy Bertrand MAPANGOU sur la nouvelle Constitution

La sagesse de La Bruyère, d’une criante actualité, nous apprend que « C’est une grande misère que de n’avoir pas assez d’esprit pour bien parler, ni assez de jugement pour se taire. Voilà le principe de toute impertinence ». En prenant la parole, à la suite de votre article de presse, je ne vous cacherai pas ma grande misère de n’avoir pas assez d’esprit pour bien parler. Et je serais bien fâché de vous embarrasser quelque peu, au regard du respect que j’ai pour vous.

Vous avez souhaité éclairer les compatriotes sur l’obligation pour le futur Président d’être né d’un père et d’une mère gabonais ; puis d’être marié à un conjoint, lui aussi, gabonais dans les mêmes conditions. Cependant, je ne veux pas vous laisser dire au peuple gabonais quelque chose qui le confortera dans son aise d’être un peuple naïf et dupé.

En effet, vous semblez afficher le monopole du cœur par votre amour pour la patrie. Vous y associez une pointe de dérision pour reléguer les arguments opposés des autres acteurs politiques, évidemment non xénophobes quoique nostalgiques, au registre de curiosités archéologiques. Sauf erreur de ma part, votre sortie masquerait surtout d’autres contentieux, vos propres rancœurs d’un passé amer, que le prétexte d’un débat sur la Constitution permet d’insinuer de façon subliminale tout au long de votre texte.

En premier lieu, vous avez courageusement affirmé qu’ACCROMBESSI, Laccruche et Mohamed SALIOU ont monté des entreprises avec de l’argent public de l’Etat gabonais, en toute impunité. Je ne serai pas leur avocat pour les défendre ici car je n’en ai pas la qualité. Au contraire, je vous en sais gré. Par contre, ce que je comprends moins c’est le fait qu’ayant autant d’informations, vous ne puissiez pas verser à monsieur le Procureur des preuves ou des informations utiles pouvant aiguiller une bonne enquête pour le bien du Gabon et du contribuable gabonais spoliés. Récemment, par exemple, monsieur Hervé Patrick OPIANGAH a opportunément intenté une action en justice, en sa qualité de citoyen gabonais, en vue de clarifier l’affaire Webcor dans l’intérêt du Gabon. Pourquoi privez-vous donc l’opinion nationale d’en savoir davantage à propos de vos trois accusés ? Pour ma part, faire de simples déclarations de presse sans conséquences ne convaincra pas les gabonais, dussiez-vous y passer mille ans. Mais bon sang ! Agissez !

En deuxième lieu, vous auriez eu davantage de crédit en citant nommément des gabonais de souche qui, connus de vous, favorisaient et soutenaient, « (…) avec la bouche pleine de friandises de la concussion », les pratiques supposément mafieuses de ces trois personnages. Il est quand même temps que ces compatriotes cessent de « rouler carosse » (rouler carrosse) et répondent de leurs actes de prévarication. A notre humble avis, c’est ainsi qu’il conviendrait de procéder pour « nous éviter ces pratiques et les voir prospérer à nouveau (…) » et non pas uniquement en militant et en soutenant « que le Président doit être de père et de mère Gabonais et avoir une épouse Gabonaise ». Du reste, Omar BONGO avait pour charmante épouse Edith Lucie BONGO de père et de mère congolais. Notre pays n’en a visiblement pas gardé un amer souvenir, sauf méprise de ma part. De même, les actes de malversation ne prirent pas fin au Gabon lorsque la gabonaise Rose Francine ROGOMBE avait assuré l’intérim d’Omar BONGO ; pas plus qu’ils ne furent suspendus ces 90 jours durant.

En troisième lieu, la nouvelle Constitution, de notre point de vue, comporte plusieurs incohérences et paradoxes malgré des retouches. La mise à disposition de ce texte perfectible, et comportant des implications problématiques, est une autorisation même pour le critiquer et cela s’appelle la démocratie. Il ne faut donc pas s’en offusquer au point d’en référer à Kim JONG-UN comme modèle alors que ce Chef d’Etat respectable de la Corée du Nord n’est simplement pas un artisan des droits de l’Homme. Convier les gabonais à s’en inspirer ne relève pas franchement d’une volonté d’encourager la libre opinion et la libre expression. C’est même excessif de la part de quelqu’un dont la fonction est de côtoyer au quotidien notre Chef de l’Etat, en tant que personne ressource. C’est davantage préoccupant de voir la comparaison avec la république se prolonger jusque dans la gestion tribalisée des villages. Nous pouvons craindre qu’une telle perspective donne raison à la plume acerbe d’Alfred NGUIA-BANDA qui a théorisé sur « La république au village ». D’ailleurs, oui, j’atteste qu’un Guisir peut assumer une position de chefferie ailleurs qu’à Fougamou. Il en va autant des locuteurs d’autres groupes ethnolinguistiques car nous avons connu des chefs Punu, Massango, Ndzebi, etc. dans le district de Ndangui, par exemple, qui n’est pas leur terre d’origine. Ils y ont vécu et y vivent encore en toute symbiose avec des natifs, sans subir la moindre xénophobie à laquelle vous donnez l’impression d’être curieusement attaché.

En quatrième lieu, affirmer que vous pouvez être utile ailleurs qu’au poste de Président de la république, c’est votre droit. Toutefois, n’en faites pas une exhortation pour tous, même si c’est la trajectoire que vous envisagez pour l’employabilité de vos enfants. Vous ne semblez pas intégrer que même un chef d’entreprise, un ingénieur, un militaire ou d’autres positions pourraient effectivement influencer le fonctionnement d’un pays ou le comportement d’un Chef d’Etat, pour peu qu’ils soient puissants et riches. Pour le coup, admettez quand même que vos arguments peinent à convaincre. D’autant plus que, par ailleurs, Elon MUSK que vous citez n’est pas Chef d’Etat. Que dire de Bill GATES qui soumet la planète entière sur les questions vaccinales ? Nous pourrions allègrement citer Gagan GUPTA, Seydou KANE et un frère Burkinabé à qui l’on prêterait, à tort ou à raison, le privilège d’accéder au Gabon à des marchés publics sans appels d’offre, au détriment de PME des gabonais de souche que vous semblez défendre sincèrement. Ils ne sont pas candidats à une élection présidentielle. Dans la même veine, vos trois accusés n’étaient ni candidats à une présidentielle ni chefs d’Etat mais vous les auriez vus en imposer à la république.

En cinquième lieu, nous comprenons bien votre frustration, largement partagée par d’autres gabonais, de voir des gabonais d’adoption prospérer sur notre sol alors qu’ils ne méritaient même pas, selon vous, « une pelure d’oignon ». Mais n’oubliez surtout pas que ceux que vous considérez comme étrangers-là, venus de loin, ont la nationalité gabonaise. Ils ne l’ont pas obtenue par vos compatriotes de souche, non libérés « du péché de la gloutonnerie » et qui « mangent même des caméléons crus ». Non, cette nationalité leur a été concédée avec la bénédiction du sommet. Pour rappel, ACCROMBESSI n’est pas devenu gabonais lorsqu’il était à la présidence de la république, comme Directeur de cabinet du Chef de l’Etat. Il l’était déjà alors que, tous les deux, vous étiez encore collaborateurs privilégiés d’Ali BONGO au ministère de la Défense, me semble-t-il. Ce fut juste bien avant que vous passiez à la télévision gabonaise pour lire, lors de la disparition d’Omar BONGO, un communiqué pour fermer les frontières du pays sans raison valable et sans en référer ni à Jean EYEGHE NDONG, alors Premier Ministre, ni à l’Assemblée nationale.

En dernier lieu, pour la moralité, le problème est moins ce qu’il faut insérer dans la Constitution que la qualité des hommes qui doivent gouverner notre peuple et gérer notre pays. Ils doivent être dépouillés « du péché de la gloutonnerie » mais aussi de l’arrogance et du népotisme. Voilà le grand chantier ! Détourner l’opinion de cette vérité ressemble à des coups d’épée dans l’eau. Et le sarcasme ou les rancœurs personnelles n’y feront rien. Il faut que ce pays soit guéri de tous les maux dont ont été outrancièrement accablés sa population et, particulièrement, ses jeunes encore déboussolés. Le débat anticipé sur le vote « OUI » ou « NON » ne change pas nos mentalités déplorables. Apprenons de Nelson Mandela qui nous conseille que « Toute déclaration sur un sujet politique majeur ne doit être faite qu’après avoir été réfléchie et validée (…) ». C’est ainsi que nous montrerons tout notre intérêt pour le Gabon éternel que nous avons en partage.

                                                                             Fait à Libreville, le 27 octobre, 2024.

                                                                              Noé Mesmin KONDONDO
                                                                              Député de la 13ème Législature,
                                                               Ancien Vice-président de la Commission des Lois,                   
                                                           des Affaires Administratives et des Droits de l’Homme.

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