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Coopération militaire : la contribution de la France à l’armée gabonaise depuis 2022

Par Stive Roméo Makanga

Dans la moiteur équatoriale, au camp De Gaulle, résonne aujourd’hui un autre tempo que celui des blindés et des klaxons de parade. Longtemps symbole tangible de l’influence française en Afrique centrale, la présence militaire hexagonale au Gabon s’est muée depuis 2022 sous les coups conjugués du temps, de la géopolitique et des évolutions politiques internes gabonaises.

Au cœur de cette transformation, c’est une France qui s’éloigne des logiques d’« empreinte stratégique classique » pour se repositionner, tant symboliquement que matériellement, sur un terrain moins ostentatoire : celui de la formation, de la coopération technique et du partage d’expérience.

En effet, jusqu’au crépuscule de l’année 2023, la base française de Libreville, connue sous le nom de camp De Gaulle, abritait encore plusieurs centaines d’hommes et de femmes sous uniforme tricolore, relais essentiel du dispositif militaire de Paris en Afrique centrale. Mais en quelques années, l’effectif a fondu : de plus de 1 200 soldats au début des années 2010, ils ne sont plus qu’une poignée d’instructeurs en 2025, environ 200 personnels spécialisés, concentrés sur l’instruction des forces gabonaises et régionales.

Le changement de décor est plus qu’anecdotique. Exit les blindés, les grands espaces de manœuvre et l’affichage d’une puissance armée en position avancée ; place à une base partagée, un « camp co-géré » où l’essentiel de l’effort français se concentre désormais sur la formation des officiers et la consolidation des savoir-faire locaux. Initiatives telles que l’école d’administration des forces de défense de Libreville ou l’académie de protection de l’environnement et des ressources naturelles incarnent cette nouvelle donne.

Depuis 2022, les éléments français au Gabon (EFG) ne se contentent pas d’être une simple présence militaire : ils sont devenus un vecteur de partage d’expertise opérationnelle. Dans un contexte où les défis sécuritaires s’étendent des jungles équatoriales aux rivages du golfe de Guinée (des trafics illicites à la piraterie maritime), les Gabonais se sont tournés vers leurs partenaires français pour diversifier leurs capacités.

Des exercices conjoints en mer avec la Marine nationale française jusqu’à l’organisation d’exercices de formation régionale, Libreville est devenu un pôle de coopération qui dépasse les seuls intérêts bilatéraux. Des troupes d’autres pays africains ont été invitées à s’entraîner au Gabon, illustrant un embryon de mutualisation des savoir-faire militaires au cœur de l’Afrique centrale.

Cette mutation répond non seulement à la demande gabonaise mais s’inscrit aussi dans la nouvelle stratégie française en Afrique, qui a vu le retrait ou la transformation de bases historiques dans tout le continent (du Sahel à l’Afrique de l’Ouest) au profit de modèles plus souples axés sur la formation, les échanges et le soutien technique.

Malgré les périodes de turbulence politique au Gabon, notamment après le coup d’État militaire de 2023, Libreville a choisi de maintenir et même de renouveler son accord de défense avec Paris, preuve d’une volonté de stabilité et de continuité dans les relations bilatérales. Les autorités gabonaises ont prolongé ce partenariat pour deux ans, faisant du camp De Gaulle l’une des rares présences militaires françaises encore pérennes sur le continent, avec Djibouti.

Pour Paris, il s’agit non seulement de préserver une coopération stratégique, mais aussi de répondre à une demande clairement exprimée par les forces armées gabonaises : celle d’être capables d’affronter, avec leurs propres moyens, les défis contemporains. La France joue ici un rôle de facilitateur de compétences, loin des postures de puissance d’antan.

L’évolution du rôle français au Gabon depuis 2022 n’est donc pas simplement une réduction de présence : elle illustre une recomposition profonde de la relation militaire franco-gabonaise, façonnée par l’histoire, mais tournée résolument vers un avenir partagé. Là où autrefois l’influence se mesurait en hommes et en matériel, elle se mesure aujourd’hui en capacité, en interlocution et en co-construction de sécurités régionales.

Dans l’écho des bottes qui s’éloignent, ce sont les pas des instructeurs, professeurs et formateurs qui résonnent désormais dans les cours d’école militaire de Libreville, un son nouveau, mais porteur d’enjeux tout aussi lourds de sens pour la sécurité du Gabon et sa place dans l’espace africain.

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