Par Joseph Mundruma
[REPORTAGE]
Bien que les chiffres pour l’exprimer soient inexistants, la constatation générale en revanche nous met tous d’accord sur le fait que le chômage a pris une réelle vitesse de croisière au Gabon, surtout depuis l’apparition de la crise covidienne. Les mesures restrictives ayant fortement impactées le secteur tertiaire, comme tous les autres d’ailleurs, certains domaines d’activités, longtemps négligés par les Gabonais pourraient constituer une véritable rampe de lancement.
Dans les différents marchés du Grand Libreville, la donne tend désormais à changer : « Avant, les étrangers étaient en grand nombre dans la plupart des marchés. Aujourd’hui, les choses changent, les gabonais commencent à comprendre », témoigne Justine, vendeuse de bananes, au marché éponyme, dans le PK8.
« Les gens ne se rendent pas compte de ce qu’il y a comme argent dans un marché. Moi par exemple je suis pointé 7000 francs CFA jour pour décharger les camions de bananes et mettre de l’ordre un peu partout. Nous sommes plusieurs gabonais à faire ce travail », renseigne Hersan, 26 ans.
Evoquant son expérience, Alassane se souvient de ses débuts, plutôt difficiles, alors qu’il arrivait sur le sol Gabonais en 2015 : « Je ne peux pas mentir. Je suis arrivé au Gabon sans les papiers, mais des frères qui étaient déjà ici m’ont aidé. Petit à petit, on m’a conseillé de me chercher au marché. Je sers le café comme vous le voyez. Ça me donne l’argent, mais quand vous voyez ça comme ça, vous ne pouvez pas imaginer ».
Sur son dispositif un peu particulier, Alassane vend du café, 200, 300 ou 500 francs CFA par tasse jetable, selon les préférences de sa clientèle. A la fin de la journée, ce frère africain peut pointer jusqu’à 150.000 francs CFA, au bas mot. « Les gens aiment boire quelque chose de chaud le matin quand ils commencent le travail. Normalement, je travaille pour un autre frère, mais chacun de nous trouve son compte, et je me porte bien. D’autres gagnent plus que moi, c’est aussi en fonction des zones. Mais dans les marchés, la clientèle est toujours là », ajoute-t-il.
Un récit intéressant, qui pourrait faire pâlir certains, encore obnubilés par la Fonction publique.
« J’ai étudié dans une école supérieure. J’ai un niveau Master. Mais vous savez comment est notre pays, les portes sont fermées, il n’y a pas d’emplois sérieux. Une amie d’enfance m’avait proposé de venir vendre avec elle, en attendant l’aboutissement de mes dossiers. Et puis je me suis rendue compte qu’il y avait vraiment beaucoup d’argent à se faire ici au marché. Ça fait 4 ans que je suis ici, je vends un peu de tout, et je ne vous cache pas que je suis très à l’aise. Mon amie elle a construit au bout de 6 ans d’activités et d’économie. Ce n’est pas de la blague, le marché paie », confie Gabrielle, gabonaise de 28 ans.
Plus intéressant encore, les épargnes, très en vogue dans les marchés, permettent à plus d’un de tirer leur épingle du jeu. « Ici dans les marchés, il y a les tontines. Les femmes ouest-africaines et Camerounaises nous ont montré comment ça marche. Il y a de petites épargnes libres comme ça que vous pouvez faire, en fonction de vos moyens. 1000 francs, 2000 ou plus que vous versez à chaque fois. Lorsque vous récupérez tout ça au bout d’un temps, je vous assure que beaucoup ici s’en sortent avec des millions », renseigne Gabrielle.
Dans les marchés, les possibilités sont donc immenses. Par ces temps de crise et de stagnation, ce secteur pourrait devenir le nouvel Eldorado des Gabonais.