Par Stive Roméo Makanga
Existe-t-il un modèle type de l’Education à la gabonaise ? Pas évident, au regard du fatras observé dans le secteur.
C’était le 23 juin 2021 que Rose Christiane Ossouka Raponda avait reçu, de façon officielle, l’ « annuaire statistique du secteur de l’Education et de la formation 2018-2019 ». Un outil important, élaboré dans la perspective de permettre au gouvernement gabonais de disposer d’informations qui lui permettrait de repenser le système éducatif, visiblement en déclin.
Si la cheffe du gouvernement s’en était réjoui, tout en précisant que cet outil leur permettrait de « mieux définir les programmes, répartir les effectifs, construire des salles de classes (…) rendre plus pertinente, notre politique d’offre éducative », l’on peut s’interroger sur l’usage fait des recommandations formulées par de nombreux experts à l’issue des états généraux de l’Education, de la recherche et de l’adéquation formation-emploi, tenus à Libreville les 17 et 18 mai 2010 sur convocation d’Ali Bongo Ondimba, le chef de l’Etat.
Le rapport général produit au terme de ces travaux avait été on ne peut plus explicite. Il soulignait l’agonie du système éducatif dans tous les ordres d’enseignement.
L’urgence de se réformer avait été la condition présentée par les experts de l’éducation, en plus de la nécessité de « redonner un souffle nouveau à l’école, à la formation et à la recherche, en vue de les rendre plus intégrales, inclusives, performantes et justes ; en somme, tendre vers une meilleure gouvernance ».
Aujourd’hui, il est évident que l’ensemble des données factuelles produites au lendemain de ces assises ont été simplement ignorées.
Mais les nouveaux chiffres, s’il est besoin de nous appesantir, sont alarmants. Le Gabon compte à ce jour, conformément à l’« annuaire statistique du secteur de l’Education et de la formation 2018-2019 », 1229 établissements publics, contre 2828 privés, pour un total de 4057 répartis sur le territoire national.
Le privé est ainsi, au regard des données collectées par de nombreux experts, le maître de l’Education.
Selon le même rapport, le Gabon dispose d’un taux brut de scolarisation (TBS) moyen de 45%. Ce qui contraste, de toute évidence, avec les assertions des plus hautes autorités.
Il faut définitivement se rendre à l’évidence. Le niveau de développement qu’ont atteint de nombreux pays tels le japon, si tant est qu’il faut tendre vers l’excellent, a été le résultat d’une vraie politique de l’Education, soigneusement définie au préalable. L’école doit être capable de semer les bases du développement voulu et défendu. Cela ne doit pas être que des mots, des slogans creux et qui une décennie plus tard, finissent toujours par nous revenir à la figure. Les grandes puissances économiques comme la Chine le sont devenus grâce à l’Education, considérée comme un facteur clé.
Mais cette ambition doit être soutenue par la définition d’un modèle, c’est-à-dire une thèse bien pensée depuis le sommet, et qui serait tout naturellement appliquée dans les établissements publics et privés, où qu’ils soient à travers le pays.
C’est peut-être là le talon d’Achille des autorités gabonaises, qui peinent depuis à proposer aux populations un modèle crédible en la matière.
La Chine et le Japon doivent leur niveau actuel de développement à la qualité du modèle préétabli. D’ailleurs, le Rwanda l’a compris et s’y est engagé.
La qualité suppose que l’on tienne compte de tout, en se fondant sur le principe que chaque détail compte pour l’ensemble.
Preuve en est seulement, sans être exhaustif, du port de l’uniforme scolaire, des coiffures arborés par les élèves, filles comme garçons. Ces éléments ont fait la différence chez les grandes nations, et leur représentativité sur la scène internationale s’explique de ce fait. Rien n’est fortuit.
Le port de l’uniforme scolaire devrait permettre et faciliter le sentiment de communauté, en plus de supprimer toutes barrières sociales qui pourraient se dresser entre les élèves, souvent d’horizons divers. Ces seules observations ont fait la différence sous d’autres cieux, quand chez nous le laisser aller et laisser faire a fait naître, au fil du temps, des problématiques encore plus complexes, qui n’ont eu depuis, de cesse de s’enraciner.
Il faut le dire sans tergiverser, le modèle éducatif gabonais accuse d’importantes lacunes que seule la rigueur, couplée à des réformes opportunes, peu résoudre.
Aujourd’hui, le gouvernement gabonais constate la débâcle. Avec l’explosion démographique ces dernières années à Libreville, la capitale, et l’incroyable montée du chômage des jeunes, tout contrôle semble perdu.
Le phénomène d’attaques au couteau entre élèves n’a toujours pas été réglé, idem pour les grossesses en milieu scolaire. Et que dire des harcèlements sexuels commis par les enseignants sur leurs propres élèves ? La solidarité des éducateurs sur cette question pousse très souvent les jeunes apprenants à l’omerta.
Le gouvernement devrait tout repenser, en commençant par le début, c’est-à-dire par la maternelle. Là aussi, ce secteur a été laissé aux mains de compatriotes expatriés, qui n’ont, comme objectif, que la rentabilité de leurs entreprises. Pourtant, des statistiques ont montré que les élèves qui vont en maternelle ont tendance à donner à l’âge de 15 ans une meilleure performance que ceux qui n’y sont pas allés. 99% d’enfants japonais passent par la maternelle, avant de commencer l’école primaire. C’est dire.
Mais sur ce couloir, l’Etat gabonais a décidé de s’y soustraire. Ce qui explique la prolifération des structures privées, souvent de très piètre qualité, où les enfants sont entretenus dans des conditions innommables.
Les plus hautes autorités, en commençant par le ministère de l’Education nationale, devrait proposer de sortir de la vision binaire qui l’a souvent caractérisée, pour l’adoption d’une thèse polychrome, ce, en se fondant sur des modèles qui ont fait leur preuve.
Après tout, il s’agit de l’avenir du Gabon.