Par Stive Roméo Makanga
Il existe plusieurs manières de détruire un pays. L’une d’entre elles consiste à s’attaquer, de manière explicite et assez ostentatoire, aux hommes qui ont longtemps constitué le maillon essentiel à la construction de la République (même si subtilement), de son harmonie, et de son indestructibilité. Et Hervé Patrick Opianga compte parmi ces rares personnes qui peuvent s’en prévaloir. Sa récente interview au quotidien L’Union illustre à merveille le climat délétère qui prévaut au sein du cercle très restreint d’Ali Bongo Ondimba, le chef de l’État, et de l’implosion qui pourrait en résulter.
À mesure que le scrutin majeur d’août 2023 approche, ce malgré toutes les contrariétés qui s’annoncent, dans le clan d’Ali Bongo Ondimba, les conditions d’une implosion certaines semblent implicitement se consolider.
Dans son entretien accordé à nos confrères de L’Union, le journal pro gouvernemental, Hervé Patrick Opianga (HPO), ce très proche d’Ali Bongo Ondimba ne cache plus son exaspération des manigances ourdies contre sa personne. Hypocrisie, croc-en-jambe, subterfuges subtiles et occultes de déstabilisation, tel est le traitement qui lui est désormais réservé.
L’homme d’affaires gabonais ayant tour à tour réussi dans des domaines aussi divers que variés tels l’agroalimentaire, le BTP, les transports, les mines, les hydrocarbures et les alvéoles d’œufs, s’offusque tout d’abord de ce que l’entrepreneuriat gabonais ne soit pas spécifiquement préféré, ce contrairement aux facilités accordées aux non nationaux. “Le problème aujourd’hui n’est pas tant la conjoncture internationale – bien qu’elle soit préoccupante – ni même la situation économique de notre pays, car l’éclairci apparaît progressivement avec la prise en compte de sujets critiques tels que la dette intérieure”, appose-t-il, dans un propos non équivoque.
Cependant, pour cet homme politique resté très discret depuis quelques années, la vraie préoccupation résiderait dans “la nécessité de faire participer les entrepreneurs locaux, quelles que soient leurs opinions, à l’effort économique auquel notre pays et nos populations sont confrontés”.
Et d’ajouter : “Forts de nos capacités, nous exigeons seulement d’être placés dans les mêmes conditions de température et de pression que les autres acteurs, nationaux ou étrangers”. On ne peut être aussi explicite.
La problématique semble donc toute entière posée. Au Gabon, la divergence d’opinion peut vous valoir des quolibets, des blacklistages, et bien d’autres incongruités autocratiques.
Sans être outrancier, disons que Jean Ping en a fait les frais, peu après ses déclarations plutôt incendiaires contre le Palais Rénovation, dans sa précampagne pour 2016.
C’est tout le propos de Hervé Patrick Opianga, qui prétend par ailleurs être “épié”, “surveillé” et “traqué”.
Un ressenti qu’il ne cache plus, mettant par ailleurs en garde ses détracteurs: “Qu’ils sachent une choses, ces nageurs au dos nu: je les vois et les connais”, prévient-il.
Connu pour être un ouvrier de la première heure des magistères d’Ali Bongo Ondimba; détenteurs, croit-on savoir, des secrets profonds et innommables de la République, Hervé Patrick Opianga dit être un “humain avec un seuil de tolérance face aux attaques”.
De sérieuses mises en garde, qui pourraient, pourquoi pas, donner lieu à un déferlement de révélations: “Devrais-je me sacrifier par amour pour mon pays ? Ma réponse est sans équivoque « oui »”, s’est interrogé HPO, devant nos confrères de L’Union, prenant le soin de préciser que si jamais ses contempteurs franchissaient la ligne rouge, il serait “amené à faire un choix difficile”.
L’ancien proche collaborateur d’Ali Bongo Ondimba serait-il prêt à franchir le pas et vider son sac ? Sans aucun doute. D’autant qu’il semble avoir mûrement et par une longue introspection, réfléchi à cette éventualité.
À quelques mois seulement du scrutin présidentiel, tout semble se compliquer pour le Palais Rénovation, et des hommes de la trempe de HPO pourraient, par devoir pour la patrie, faire le choix de la vérité et de la justice, dans une moindre mesure.
Autant dire que le microcosme politique gabonais s’annonce plutôt survolté.