Par Stive Roméo Makanga
Dans une interview accordée à nos confrères de Dépêche241, Hervé Patrick Opiangah, premier responsable du CF Mounana, rappelle le contexte ayant conduit à l’arrêt depuis deux mois déjà, le championnat national de football. Il n’a de même pas manqué de s’indigner de l’attitude de la tutelle, incapable de tenir ses engagements, et prêt à user de fourberie.
Interrogé sur l’interruption brutale du championnat national, depuis deux mois déjà, Hervé Patrick Opiangah y va de toute sa franchise: “le mutisme du ministère des Sports trahit clairement les insuffisances manifestes de l’Etat”.
Pour lui, il est évident que les plus hautes autorités, à travers le ministère des Sports, manquent cruellement de volonté.
“À l’origine, l’Etat avait pris des engagements nobles par le biais notamment de la professionnalisation du football Gabonais. Professionnalisation qui a trouvé l’assentiment des présidents des clubs. Lesquels de façon logique, ont fait le choix républicain d’accompagner l’Etat vers la matérialisation de ce processus dans sa phase expérimentale”, rappelle le président du FC Mounana.
Et, par le fait d’une absence de constance dans les engagements pris par l’État gabonais, Hervé Patrick Opiangah refuse que l’enlisement actuel soit imputé (à tort) aux présidents des clubs.
“On ne peut donc pas, en permanence, jeter l’anathème sur les présidents des clubs, les critiquer à tort et à travers en voulant leur faire porter la responsabilité de l’arrêt du championnat national”, avance-t-il.
“Pareille attitude est indigne du ministère des Sports. Le passionné de sport et président de club que je suis s’insurge contre ce type d’agissement, ce type de conspiration. Ça suffit ! Que cela s’arrête et que le ministre sache que nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes” dénonce le président du CF Mounana.
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Sur les engagements non tenus par le ministère de Franck Nguema, Hervé Patrick Opiangah en précise la nature. L’on note qu’il s’agissait pour la tutelle de prendre en charge les salaires des joueurs, s’acquitter des frais d’hébergement, de restauration et de transport pour les clubs, le tout relatif à leurs hébergements durant le championnat.
“Ces engagements ont été ratifiés et homologués de façon contractuelle entre l’Etat, les joueurs et les clubs. Au CF Mounana par exemple, pour parler du cas que l’on connaît le moins mal, nous sommes à jour de nos sur-salaires et je pense que c’est également le cas à Mangasport et certainement d’autres”, précise-t-il, les sur-salaires étant pris en charge par les clubs eux-mêmes, tel que convenu avec l’État gabonais.
Aujourd’hui, le ministère des Sports semble avoir tout éclipsé.
“A ce jour, vous avez des athlètes qui ont trois, quatre ou cinq mois sans avoir été payés par l’Etat à travers la tutelle. Une curiosité quand on se rappelle que dès le lancement de cette saison, le ministre de tutelle, Monsieur Franck Nguema avait donné des garanties aux clubs en indiquant que les budgets avaient été mis à dispositions pour que le National Foot se joue intégralement sans interruption”, restitue l’interlocuteur de Dépêche241.
S’agissant des manquements de l’État gabonais, du non paiement des salaires, Hervé Patrick Opiangah invite Franck Nguema a être explicite, et à rejeter tout louvoiement.
“C’est en cela que je répète et invite le ministre des Sports à prendre ses responsabilités en arrêtant de finasser et de se louvoyer en cherchant des bouc-émissaires çà et là”, considère-t-il.
Et: “Tant qu’à faire, que le ministre de tutelle soit clair et transparent avec tout le monde. Qu’il annonce à tous les acteurs du football que contrairement à ce qu’il a convenu en début de saison, il est confronté à des tensions budgétaires et que par conséquent, il n’est plus capable d’honorer ledit engagement. C’est cela être digne et responsable dans la conduite des affaires de l’Etat”.
Une attitude du membre du gouvernement que ne tolère et ne conçoit pas le responsable du CF Mounana. Pour lui, la situation qui prévaut mérite un brin de clarté et d’honnêteté de la tutelle. En lieu et place des manoeuvres occultes visant à rendre responsables les présidents des clubs de l’arrêt du national foot, il invite plutôt à la responsabilité.
Évoquant la mutualisation, proposée par l’État gabonais et largement débattue au cours des assises nationales du football, Hervé Patrick Opiangah est on ne peut plus explicite : ” (…) il suffit d’interroger les différents présidents des clubs, les joueurs du National Foot, la Linaf et la Fédération Gabonaise de Football. Les premiers cités sont les premières victimes de l’échec de la mutualisation”.
Avant de renchérir: “Aujourd’hui, cette énième suspension du championnat a des conséquences néfastes sur le rendement des joueurs et sur le niveau de nos équipes dans les compétitions africaines. Il est difficile de performer sur la scène continentale avec un championnat qui est régulièrement interrompu. Si la mutualisation s’était montrée efficace, il est évident que nous ne serions pas dans cette impasse”. Tout est donc dit.
En lieu et place de toute la mascarade joyeusement entretenue par Franck Nguema, Hervé Patrick Opiangah propose une suspension de tout. Pour ce dernier, une réflexion profonde du secteur s’impose.
“Il faut qu’on sorte de cet amateurisme consistant à colmater des brèches chaque saison”, dénonce-t-il.
Outre les précédents points, le président du CF Mounana, interrogé sur la mutation des clubs en société à objet sportif, s’est voulu sans équivoque : “Ne demandez pas aux clubs de réaliser des miracles “.
En effet, ce nouveau statut juridique requis par l’État par le ministère des sports est loin d’épouser le contexte actuel.
D’abord parce qu’il implique de lourdes charges pour les clubs, ensuite parce que cette nouvelle condition devrait faire l’objet d’un véritable accompagnement de l’État aux présidents des clubs. “(…) ce changement doit se réaliser avec le soutien de l’Etat qui doit créer un environnement favorable à même d’encourager les présidents des clubs à consentir des investissements qui, à terme, favorisent le développement du football gabonais”, indique-t-il.
Soucieux de déboucher sur une fin de crise, Hervé Patrick Opiangah a dit être fortement préoccupé du climat actuel. Faisant référence à son expérience dans le milieu sportif gabonais, il a exprimé sa tristesse à la précarisation des athlètes locaux.
“Les conditions dans lesquelles évoluent nos joueurs ne sont pas favorables à leur évolution, progression ou développement. Le championnat National dans sa formule actuelle, faite d’interruptions répétitives, disons le sans ambages, tue nos athlètes”, fait-il observer.
Au regard de ces observations, le président du CF Mounana préconise un “dialogue franc” entre le ministère des sports, la Fegafoot, la Linaf et l’ensemble des présidents des clubs et associations des joueurs.
Des échanges qui leur permettrait d’autopsier le football gabonais, aux fins de proposer des mesures correctives efficaces.