À Libreville, Macron et Oligui Nguema ont uni leurs voix pour célébrer la jeunesse et la renaissance culturelle
Par Stive Roméo Makanga
Il y a parfois dans les gestes politiques une symbolique qui dépasse les déclarations officielles, les communiqués calibrés et les embrassades diplomatiques. La visite d’Emmanuel Macron à l’Institut Français du Gabon (IFG), fraîchement rouvert, aux côtés de son homologue gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema, appartient à cette catégorie : celle des moments où, sous les néons d’un établissement culturel rénové, s’exprime une volonté commune de retisser un lien souvent déclaré fragile mais jamais véritablement rompu.
Dans le patio de l’IFG, les discours des deux chefs d’État se sont répondus comme deux variations d’un même thème : la jeunesse, la culture, et cette relation franco-gabonaise que l’on dit « au beau fixe », malgré les tempêtes passées et les interrogations contemporaines. Brice Clotaire Oligui Nguema, fidèle à son pragmatisme de soldat reconverti en chef d’État, a résumé l’essentiel d’une phrase simple mais révélatrice : la réouverture de l’IFG est « un centre de culture qui anime l’émancipation de notre jeunesse ici ». Autrement dit, un lieu où l’intelligence circule et où la liberté se cultive: deux éléments devenus denrées précieuses dans de nombreuses capitales africaines.
Le président gabonais a insisté sur un point que l’on croyait relégué aux archives de la Françafrique : la normalité retrouvée de la relation entre Libreville et Paris. « Nous avons de très bonnes relations », a-t-il martelé, comme pour rappeler que l’Histoire, contrairement aux passions, sait suivre son cours avec une forme d’élégance et de constance. Dans un continent où les partenariats se redistribuent aussi vite que les concessions minières, affirmer la solidité du lien franco-gabonais relève presque d’une prise de position géopolitique.
Emmanuel Macron, lui, s’est montré fidèle à son style : ample, philosophique, et volontiers lyrique lorsqu’il s’agit de dessiner des perspectives globales. « L’Afrique, c’est le double poumon du monde », a-t-il déclaré, comme s’il reprenait un air déjà fredonné mais toujours efficace dans les cercles diplomatiques. Un poumon naturel, par ses forêts ( et l’on devine aisément la subtile évocation du Bassin du Congo, fierté gabonaise ) mais aussi « le continent le plus jeune au monde ». Tout y est : la biodiversité, le destin démographique, la planète à sauver, et l’avenir à bâtir.
Le président français a défendu, chiffres implicites à l’appui, la doctrine qu’il porte depuis 2017 : un partenariat « de respect mutuel, gagnant-gagnant », expression qu’on croyait réservée aux communiqués sinophones mais que Paris utilise désormais avec enthousiasme, peut-être pour mieux se différencier d’un passé encombrant. « Le rôle de la France, modestement, c’est d’accompagner les gouvernements, les ONG, les jeunesses à trouver leurs chemins avec l’École, le Sport et la culture », a-t-il poursuivi, rappelant la myriade d’outils (ambassades, instituts culturels, Agence Française de Développement) qu’il s’efforce de moderniser.
Dans cette chorégraphie diplomatique réglée au millimètre, un message clair se détache : la relation entre le Gabon et la France n’est pas seulement affaire de coopération militaire, d’accords miniers ou de crédits d’ajustement. Elle s’enracine désormais dans un socle plus subtil : celui de la culture, de la jeunesse, et d’une vision partagée de la société de demain. À l’heure où d’autres puissances avancent leurs pions sur le continent, Paris et Libreville semblent vouloir rappeler qu’un partenariat historique peut encore se redéployer sans subir les pesanteurs du passé.
Reste, bien sûr, à transformer ces mots en actes, ces promesses en politiques, et ces réouvertures symboliques en dynamiques culturelles tangibles. Mais pour un instant au moins, dans l’enceinte de l’IFG rénové, Macron et Oligui Nguema ont offert l’image d’un duo réconcilié avec la jeunesse, la culture et, peut-être, avec l’idée même d’un avenir commun.



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