Rassemblé par la Rédaction
Depuis le début de la semaine, le Gabon et la Guinée Équatoriale présentent leurs arguments devant la Cour internationale de Justice de La Haye, et sollicitent son intervention pour trancher un différend qui les oppose depuis cinq décennies. Ce litige concerne la souveraineté des trois petites îles du golfe de Guinée, dont les eaux sont potentiellement riches en pétrole. Après les plaidoiries de la Guinée Équatoriale, le lundi 30 septembre, ce fut au tour des avocats du Gabon d’intervenir le mercredi.
Depuis plusieurs décennies, le Gabon et la Guinée Équatoriale se livrent un bras de fer concernant la souveraineté des îles Mbanié, Conga et Cocotier. Situées à une dizaine de kilomètres des côtes de la province de l’Estuaire, ces îles inhabitées, à l’exception d’un détachement de gendarmes gabonais stationné depuis 1972, font l’objet d’un différend territorial devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) à La Haye.
Les origines du conflit
L’origine de ce contentieux remonte à l’époque coloniale, avec la signature d’un traité en 1900 entre la France et l’Espagne, alors puissances coloniales en Afrique. Ce traité visait à définir les frontières entre leurs territoires respectifs, mais les ambiguïtés laissées par ce texte se sont amplifiées avec les indépendances du Gabon et de la Guinée Équatoriale. Dès les années 1970, Malabo a relancé les revendications sur ces îles stratégiques, exacerbant les tensions bilatérales.
Les enjeux économiques et stratégiques
Au-delà des questions territoriales, les îles de Mbanié, Conga et Cocotier revêtent une importance stratégique pour les deux pays. Les eaux environnantes seraient riches en hydrocarbures, ce qui attise les convoitises de Malabo. Les permis d’exploration pétrolière délivrés par le Gabon et la Guinée Équatoriale sur des zones maritimes voisines témoignent de cet enjeu majeur. Le contrôle de ces îles conférerait à la Guinée Équatoriale un accès privilégié à des gisements pétroliers potentiels et renforcerait son influence dans les eaux partagées entre le Gabon et São Tomé-et-Principe.
La bataille juridique
En 2016, le Gabon et la Guinée Équatoriale ont décidé de porter ce différend devant la CIJ, dans l’espoir de résoudre pacifiquement cette querelle vieille de plusieurs décennies. Cette semaine, alors que les plaidoiries de la Guinée Équatoriale s’achevaient, le président gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema, a nommé une équipe juridique composée notamment de Régis Onanga Ndiaye, Pierre-Marie Ngondjout, Guy Rossatanga-Rignault, Serge Mikoto et Marie-Madeleine Mborantsouo, pour défendre les intérêts territoriaux du Gabon.
Le traité de Bata au cœur du débat
L’un des principaux arguments du Gabon repose sur la « Convention de Bata », un traité signé en 1974 par Francisco Macías Nguema et Omar Bongo Ondimba, les anciens présidents de la Guinée Équatoriale et du Gabon. Selon ce traité, la Guinée Équatoriale aurait reconnu la souveraineté du Gabon sur les îles. C’est en vertu de cet accord que les forces de défense gabonaises sont présentes sur l’île de Mbanié depuis près de cinquante ans.
Cependant, la validité de ce traité est contestée par la Guinée Équatoriale. Ses représentants qualifient ce document de simple « photocopie » sans valeur juridique. Domingo Mba Esono, vice-ministre équato-guinéen des Mines et des Hydrocarbures, a déclaré que le Gabon n’avait jamais été capable de fournir un original authentifié du traité de 1974. En réponse, Marie-Madeleine Mborantsouo, présidente honoraire de la Cour constitutionnelle du Gabon, a rappelé que ce document avait été déposé à l’ambassade de France à Libreville peu après sa signature et qu’une copie certifiée conforme était toujours disponible dans les archives françaises.
Vers une résolution définitive
Ce litige historique, enraciné dans la période coloniale, est désormais entre les mains de la CIJ. Le Gabon espère obtenir une reconnaissance claire et définitive de sa souveraineté sur ces îles stratégiques. Pour Libreville, l’enjeu est non seulement territorial, mais aussi économique, compte tenu des ressources potentielles que recèlent les eaux environnantes. Un arbitrage en sa faveur mettrait fin à des décennies de tensions avec la Guinée Équatoriale, tout en garantissant le contrôle d’un patrimoine national d’une importance capitale.
Les regards sont désormais tournés vers La Haye, où la Cour Internationale de Justice rendra un jugement déterminant pour l’avenir des relations entre le Gabon et la Guinée Équatoriale.