Après avoir prémédité la mort de « Dokira Atsam Ella », le pasteur Mbadinga pond un communiqué qui transpire l’orgueil, la manipulation et le mensonge
Par Stive Roméo Makanga
Il est des paroles qui, une fois prononcées, ne relèvent plus de la foi mais de la faute. Et des silences qui, lorsqu’ils s’habillent de communiqués, aggravent encore le malaise. La sortie récente du pasteur Francis Michel Mbadinga, leader du Centre d’Évangélisation Béthanie (CEB), appartient à cette catégorie de dérives où l’excès mystique se mue en imprudence publique, voire en préméditation verbale.
Dans une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux, le pasteur Mbadinga, s’insurgeant contre les crimes dits « rituels », a tenu des propos d’une gravité extrême. Depuis l’estrade de son ministère, porté par une assemblée survoltée, il a déclaré sans détour que Dokira Atsam Ella « ne verrait pas l’année 2026, à moins qu’il se repente ». Une phrase lourde de sens, une prophétie de mort assumée, proférée en public, filmée, archivée, et désormais disséquée par l’opinion.
Cette déclaration de mort publique, faite au nom de Dieu, a immédiatement choqué bien au-delà des cercles religieux. Car enfin, à quel moment une prédication, fût-elle animée par une colère morale, autorise-t-elle l’annonce d’une échéance funeste sur la tête d’un compatriote ? Depuis cette diffusion, de nombreuses voix sur les réseaux sociaux appellent Dokira Atsam Ella à saisir la justice, estimant que ces propos constituent une préméditation choquante, incompatible avec l’État de droit et les libertés fondamentales.
Lire le communiqué : https://www.facebook.com/share/1D6aJDMqMX/
Face à la tempête, le Centre d’Évangélisation Béthanie a cru bon de publier, ce vendredi 26 décembre, un communiqué censé éteindre l’incendie. Il n’a fait que l’alimenter. Le texte, loin d’apaiser, transpire le mensonge, l’arrogance et la manipulation. Le CEB y affirme que la vidéo dans laquelle Dokira Atsam Ella s’exprime sur la thématique des crimes dits rituels, lors de son passage à l’émission Dieu en Question, serait consécutive au meurtre du jeune Cameron, 12 ans, lâchement assassiné par des individus aujourd’hui interpellés par les forces de l’ordre.
Or, la vérité est tout autre. Cette séquence date de juillet 2025. À l’époque, Dokira Atsam Ella, entouré d’autres panélistes, analysait avec pédagogie le processus conduisant aux crimes dits rituels : les motivations des criminels, les mécanismes sociaux, ainsi que les implications mystico-spirituelles que certains attribuent à ces pratiques obscures. Il ne s’agissait ni d’une apologie, ni d’une provocation, encore moins d’une réaction à un fait divers postérieur. Prétendre le contraire relève soit de l’ignorance, soit d’une instrumentalisation grossière.
Pour une large partie de l’opinion, le pasteur Mbadinga a ainsi récupéré un sujet brûlant, chargé d’émotion et de douleur collective, pour nourrir un discours excessif, jusqu’à proclamer la mort d’un homme, fût-il qualifié de « sorcier » selon ses propres termes. Une dérive inquiétante, car elle ouvre la porte à toutes les stigmatisations, à toutes les violences symboliques, voire physiques, dans un contexte déjà fragilisé.
Plus troublant encore, le communiqué du CEB manque cruellement d’humilité. Aucune excuse. Aucun recul. Aucune reconnaissance de l’excès. L’Église, qui se veut refuge, devient ici tribune de condamnation. Elle s’illustre négativement, préférant l’orgueil doctrinal à la responsabilité morale.
Dès lors, une question s’impose : quel est aujourd’hui le rôle de l’Église dans nos sociétés ?Est-elle appelée à consoler, éclairer et pacifier, ou à désigner des boucs émissaires et à brandir la mort comme argument théologique ? Est-il normal qu’un pasteur, investi d’une autorité spirituelle, proclame la mort sur la vie d’un compatriote, en dehors de toute procédure, de toute justice, de toute humanité ?
La réponse est non. Mille fois non. Cette attitude est condamnable. Elle est dangereuse. Elle est indigne de la mission que revendiquent les hommes de Dieu. Car lorsqu’un pasteur se fait prophète de mort, il cesse d’être un guide spirituel pour devenir un facteur de trouble public. Et cela, aucune ferveur, aucun communiqué, aucune pirouette sémantique ne saurait l’excuser. Le pasteur Francis Michel Mbadinga doit répondre devant les autorités compétentes.



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