Avec la Taxe d’habitation, Oligui Nguema choisit la solidarité plutôt que l’austérité
Par Joseph Mundruma
À première vue, l’annonce a tout pour hérisser. Une nouvelle taxe, prélevée chaque mois sur la facture d’électricité, dans un pays où le pouvoir d’achat est déjà sous tension. La Taxe forfaitaire d’habitation (TFH) pourrait ressembler, au premier regard, à une énième ponction sur des ménages éprouvés. Et pourtant, derrière cette mesure à l’apparence ingrate, l’exécutif gabonais assume un choix politique fort : protéger le modèle social au lieu de l’amputer.
Le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema a tranché là où nombre de gouvernements, sous la pression des bailleurs, auraient opté pour l’austérité sèche. Pas de licenciements massifs dans la Fonction publique. Pas de suppression des bourses accordées aux étudiants. « Je ne licencierai jamais un Gabonais à la Fonction publique », a-t-il martelé, revendiquant même son propre parcours d’étudiant boursier. Le message est clair : l’équilibre budgétaire ne se fera pas sur le dos des plus fragiles.
Car l’impasse financière est réelle. Près de 60 % des recettes de l’État sont englouties par le service de la dette, 35 % par la masse salariale. Il ne reste presque rien pour investir, aménager, nettoyer, construire. Libreville, Owendo, Akanda étouffent sous l’insuffisance chronique des moyens alloués à la salubrité et à la voirie. En clair, l’État paye ses factures… et n’a plus les moyens de bâtir.
D’où cette réforme, pensée comme une « alternative souveraine » aux recettes classiques dictées par les institutions financières internationales. Plutôt que de subir des baisses de salaires ou des coupes sociales, le Gabon choisit de mobiliser ses ressources internes. La philosophie affichée est limpide : contribuer pour bâtir.
Le gouvernement assume une logique redistributive. Le barème de la TFH est progressif. Dans les quartiers huppés comme La Sablière, la contribution mensuelle pourrait atteindre 30 000 FCFA. Dans les zones populaires, elle oscillera entre 500 et 1 000 FCFA. Autrement dit, les plus aisés financeront davantage l’effort collectif. La taxe prend l’allure d’un outil de solidarité urbaine, où l’effort est modulé selon les moyens.
Cette contribution n’est pas un impôt classique sur le revenu ni une taxe foncière. Elle est liée à l’usage du logement et aux services urbains qui l’accompagnent. Elle sera prélevée mensuellement sur la facture d’électricité, unique solution jugée efficace pour toucher l’ensemble des ménages, y compris ceux du secteur informel.
Des objectifs concrets et visibles
La TFH ne se veut pas une caisse noire budgétaire mais un levier d’action immédiat. La priorité affichée est la salubrité publique. Le budget actuel, d’environ un milliard de FCFA, est notoirement insuffisant pour maintenir la propreté dans les principales communes du Grand Libreville. La taxe doit permettre de changer d’échelle.
Autre chantier visé : l’aménagement des quartiers. Désenclavement, bétonnage des voies secondaires, lutte contre la dégradation rapide des routes à la saison des pluies. Enfin, une part des recettes sera allouée à des programmes de logements sociaux, afin de répondre à l’urgence d’un habitat décent pour les ménages modestes.
Les chiffres avancés sont ambitieux : près de 22 milliards de FCFA de rendement annuel, dont environ 20 milliards pour Libreville seule. Une manne inédite, à condition que la promesse de bonne gouvernance soit tenue.
Le choix du prélèvement via la facture d’électricité n’est pas neutre. Il garantit une collecte rapide, large et sécurisée. Surtout, il s’accompagnera d’un mécanisme de répartition automatique des fonds dès leur encaissement : une part pour l’État, dédiée aux grands travaux ; une part pour les collectivités locales, chargées de l’entretien de proximité. Sur le papier, la traçabilité est posée comme un impératif.
Reste l’objection majeure, presque réflexe : la crainte de la disparition des fonds. Le gouvernement répond par l’exigence présidentielle d’un système transparent. Les Gabonais sont invités à juger la réforme sur ses résultats, visibles dans leurs rues, leurs quartiers, leur cadre de vie.
Un pacte plus qu’une taxe
La TFH est donc présentée comme un pacte de responsabilité entre l’État et les citoyens. « Un petit effort pour de grands changements ». Le pari est audacieux : demander davantage aux ménages pour éviter une austérité autrement plus brutale. Dans le contexte gabonais, il est aussi politiquement risqué.
Tout se jouera, au fond, sur une question simple : les citoyens verront-ils effectivement leurs villes devenir plus propres, leurs routes plus praticables, leurs quartiers mieux aménagés ? Si la réponse est oui, la TFH pourrait s’installer comme un instrument structurant de la modernisation urbaine. Si la réponse est non, elle rejoindra la longue liste des promesses fiscales déçues.
Entre nécessité budgétaire et exigence de confiance, le Gabon s’engage sur une ligne de crête.



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