LETTRE OUVERTE À MONSIEUR LE MINISTRE D’ÉTAT, MINISTRE DE L’INTÉRIEUR SUR LE NOUVEAU CARACTÈRE FOLKLORIQUE DES CÉLÉBRATIONS NUPTIALES EN RÉPUBLIQUE GABONAISE
Monsieur le Ministre d’État,
Le JT de Gabon Télévisions nous a transmis vos fermes instructions aux édiles du pays, quant au strict respect de la loi pendant la célébration des unions civiles en République Gabonaise. Dans le reportage consacré à l’occasion, vous avez appris à vos compatriotes que ce recadrage faisait suite aux interpellations multipliées de Monsieur le Président de la République et de Madame le Premier Ministre. Tout en vous remerciant d’avoir fidèlement transmis à la nation les prescriptions de vos patrons, nous vous invitons à constater l’étonnement général des populations qui, au détriment des gouvernants, semblent très heureuses avec ces innovations. Nous sommes d’autant plus surpris que cette instruction reproduit quelque peu les récriminations de l’opposition des années 1990 à l’endroit du président Omar Bongo Ondimba.
En effet pendant les TOURNÉES RÉPUBLICAINES de l’institution qu’il incarnait, le chef de l’État savourait le “folklore” des groupes d’animation et des associations culturelles du pays. Monsieur le Ministre d’État, vous étiez déjà aux premières loges de la haute administration pour constater que ces récréations populaires n’avaient jamais abîmé le sérieux politique du père de la nation. Vous étiez encore en première ligne pour voir que finalement, tous les procureurs politiques du président de la République finirent par se convertir massivement à cette “religion du folklore”, en instituant pour eux-mêmes des liturgies avec nos groupes socioculturels, nos musiciens les plus talentueux et nos humoristes les plus chevronnés. Jusqu’à aujourd’hui, Monsieur le Ministre d’État, toute la classe politique agit pareil, de la base jusqu’au sommet. Comment pouvons-nous interdire aux seules collectivités locales un aliment politique qui fait l’unanimité partout ailleurs? La direction générale du protocole d’État aurait-elle décidé de supprimer ces divers partout en République?
Monsieur le Ministre d’État,
Nous traversons une crise sanitaire qui a mis des milliers de vos chers concitoyens en difficulté socioéconomique. Nos propriétaires immobiliers attendent toujours la subvention promise au nom des mesures de compensation, alors que parallèlement nos fiscalistes leur tombent dessus avec une précision de chirurgien. Les travaux de notre Transgabonaise n’ont toujours pas pris la vitesse de croisière escomptée. Notre administration scolaire annonce un recrutement de vacataires, pendant que dans ses propres cartons, des milliers de dossiers de jeunes diplômés attendent leurs intégrations depuis plusieurs années.
Parmi les seuls moments de relaxation populaire aujourd’hui, il y a ceux qui nous arrivent des “mairies du bonheur”. Ces “magistratures de proximité” ont le don de célébrer la famille gabonaise avec amour et vie, à tel point que les “vieux couples” du pays se mettent massivement en règle avec l’État-Civil. Je soumets à votre appréciation l’idée d’un sondage d’opinion avant de supprimer définitivement les innovations en cours.
Dans le vif espoir de votre inclination, veuillez agréer, Monsieur le Ministre d’État, l’expression de ma très profonde considération.
Libreville, le 17 février 2022
Philippe César Boutimba Dietha