Par Stive Roméo Makanga
Le communiqué publié le 29 septembre 2024 par le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, signé par le ministre Hermann Immongault, se révèle très préoccupant dans la conduite de la Transition au Gabon. En effet, et disons-le très clairement, cette déclaration s’inscrit en contradiction flagrante avec les engagements pris par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) au lendemain de sa prise de pouvoir, notamment la promesse d’une plus grande liberté d’expression pour tous les Gabonais.
Dès l’installation du CTRI, les attentes des populations longtemps martyrisées par le régime déchu étaient claires : un nouveau Gabon, où la parole serait libérée et où chacun pourrait s’exprimer sans crainte de représailles. Malheureusement, le communiqué en question trahit ces espérances. En menaçant les voix dissidentes de poursuites judiciaires et en qualifiant de “conspiration funeste” toute critique ou initiative perçue comme une tentative de perturber les élections, le gouvernement semble imposer un climat de peur, qui réduit systématiquement au silence toute opposition. Cette posture répressive rappelle les méthodes employées sous le régime précédent, alors que les populations espéraient une rupture avec cette ère d’oppression.
Cette communication intervient de manière troublante après la conférence de presse animée par Alain Claude Billie By Nze, ancien Premier ministre, qui a ouvertement critiqué certaines dispositions du projet de constitution. Ce dernier, qu’on l’aime ou pas, a mis en garde contre les dérives possibles d’un texte qui, selon lui, menace le “vivre ensemble” et risque de fragiliser davantage la cohésion nationale. En guise de réponse, le Ministère de l’Intérieur a préféré réagir par la menace, sous-entendant que toute critique serait assimilée à une atteinte à l’ordre public. Quel égarement !
Ce communiqué laisse transparaître une volonté clairement affichée du gouvernement et du CTRI de museler toute opposition à la future constitution. En effet, plusieurs des dispositions de ce projet de texte ont été vivement contestées, et une partie de la société civile réclame même leur suppression pure et simple. Mais au lieu de favoriser le débat et la concertation, l’exécutif semble opter pour l’intimidation, en écartant toute voix discordante. Cette attitude autoritaire est non seulement contradictoire avec les principes démocratiques, mais elle reflète également une incapacité à gérer les critiques constructives qui devraient pourtant être accueillies dans le cadre d’un processus aussi déterminant que la rédaction d’une nouvelle constitution.
Enfin, la méthode utilisée par le ministre Hermann Immongault, un “vieux routier” de l’époque Ali Bongo Ondimba, rappelle des pratiques qui ont marqué la période sombre du régime Bongo-PDG. À cette époque (permettez la redondance), le gouvernement agissait au mépris des libertés fondamentales, en réduisant au silence tous ceux qui osaient s’opposer à l’ordre établi. Ce retour en arrière est inquiétant. Le climat de censure et de répression que le communiqué semble instaurer ravive de mauvais souvenirs chez bon nombre de Gabonais, qui ont longtemps souffert de la répression politique sous le régime précédent. En refusant d’écouter et de dialoguer avec ses détracteurs, le CTRI court le risque de rétablir une atmosphère de contrôle autoritaire, tout en éloignant encore plus le pays des idéaux de liberté et de démocratie tant espérés.
Dans cette situation, il est impératif que le CTRI et son gouvernement révisent leur approche. Au lieu de réprimer les critiques, ils devraient encourager un débat ouvert et inclusif sur le projet de constitution, afin d’en faire un véritable outil de rassemblement et de réconciliation. L’avenir du Gabon dépend de sa capacité à respecter et à garantir les libertés fondamentales, notamment celle d’exprimer des opinions divergentes. En persistant dans cette voie, le gouvernement risque de perdre la confiance des populations et de s’enfermer dans une dynamique répressive contre-productive.
La transition politique en cours doit s’accompagner d’un véritable changement dans les pratiques institutionnelles, sinon le Gabon risque de sombrer une nouvelle fois dans les travers du passé. Ce qui serait lamentable.