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Compétitivité : dans un continent en recomposition, le Gabon garde la tête en Afrique centrale

Par Stive Roméo Makanga

Il y a des victoires discrètes qui, à défaut de faire la une des places financières, méritent d’être relevées pour ce qu’elles disent : une trajectoire, un effort, une différence ténue mais réelle dans une région peu réputée pour ses performances économiques. Le dernier rapport de la Rand Merchant Bank (RMB), Where to Invest in Africa 2025/26, a beau ne pas dresser de classement officiel pour l’Afrique centrale, il glisse néanmoins une indication précieuse : le Gabon demeure, comme en 2020, le pays le plus compétitif de la sous-région.

Un constat qui, dans un environnement continental bouleversé par les séismes géopolitiques, n’a rien d’anodin. Car si les projecteurs se braquent sur la spectaculaire ascension des Seychelles et de Maurice, désormais indétrônables au sommet du classement africain, le Gabon d’Oligui Nguema parvient à maintenir sa position régionale, là où ses voisins immédiats (du Cameroun au Congo-Brazzaville) s’enfoncent dans des classements où la progression ressemble moins à un espoir qu’à un mirage.

Pour comprendre ce maintien, il faut revenir aux fondamentaux que scrute RMB. Vingt indicateurs, quatre piliers, une batterie de critères qui n’a rien de folklorique : stabilité macroéconomique, niveau de corruption, développement humain, innovation, inflation, connectivité, urbanisation, potentiel économique. Le rapport couvre 31 pays représentant 90 % du PIB africain. Autant dire : pas une photographie embellie, mais un scanner en haute définition.

Dans cette grille d’analyse, le Gabon occupe la 21ᵉ place continentale. Un rang modeste, dira-t-on, mais un rang qui, replacé dans la géographie économique de la CEEAC, révèle une réalité simple : Libreville reste la seule capitale d’Afrique centrale à ne pas s’effondrer dans les profondeurs du classement. Avec une monnaie stable, un PIB par habitant parmi les plus élevés du continent et une politique de rééquilibrage macroéconomique amorcée depuis la transition, le pays conserve les attributs minimaux d’une économie capable de séduire, un peu, mais mieux que les autres.

Pendant ce temps, ailleurs, le classement bouge comme rarement : treize pays progressent, sept reculent, les certitudes d’hier s’effritent. Les Seychelles et Maurice caracolent en tête, dopées par un développement humain élevé, une corruption contenue et une inflation sous surveillance — le trio gagnant des économies disciplinées. L’Égypte, toujours solide, ferme ce podium insulaire. La Côte d’Ivoire réalise la plus forte progression de l’année, propulsée de la 16ᵉ à la 8ᵉ place.

À l’inverse, le Nigeria dégringole de neuf places, pris au piège d’une inflation galopante et de réformes douloureuses. Le Sénégal, la Tunisie et le Mozambique suivent dans la chute, victimes des turbulences politiques que le rapport identifie comme un facteur explicatif essentiel.

Le continent africain, rappelle l’économiste en chef de RMB, Isaah Mhlanga, n’échappe pas à la fragmentation géopolitique mondiale ni à la baisse des flux d’aide ou d’investissements. L’Afrique centrale, elle, y ajoute ses propres handicaps : instabilité chronique, gouvernance erratique, croissance poussive.

Dans ce paysage contrasté, le maintien du Gabon en tête régionale n’est ni un exploit, ni un hasard : c’est un signal. Celui que, malgré les secousses politiques récentes, le pays demeure l’économie la plus structurée de son voisinage immédiat. Et que la transition engagée sous Brice Clotaire Oligui Nguema produit au moins cet effet mesurable : éviter le décrochage.

On pourra toujours rêver mieux, une place dans le Top 15, une stratégie d’innovation assumée, une diversification dépassant les intentions. Mais pour l’heure, à défaut d’être un champion continental, le Gabon reste le premier de sa classe régionale. Ce qui, dans l’Afrique centrale telle qu’elle est, relève presque de la performance.

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