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Covid-19, clash sanitaire et chute au sommet : comment le Dr Yaba a glissé du Palais

Par Stive Roméo Makanga

On ne tombe jamais du pouvoir par hasard. Le Dr Wenceslas Yaba, jusque-là conseiller spécial du président de la République en charge des questions de santé, vient d’en faire l’amère expérience. Officiellement, il est simplement « remis à son administration d’origine », selon le communiqué final du Conseil des ministres. Officieusement, c’est une sanction politique à peine voilée, consécutive à sa sortie médiatique jugée incontrôlable sur une prétendue nouvelle épidémie de Covid-19 au Gabon.

Tout est allé très vite. Trop vite. Dans une vidéo largement relayée, l’épidémiologiste a cru bon d’alerter l’opinion sur une possible résurgence du coronavirus, en s’appuyant sur la flambée de cas grippaux observée dans le Grand Libreville. Résultat : panique larvée, confusion dans l’opinion, emballement sur les réseaux sociaux. Il n’en fallait pas plus pour contraindre le ministère de la Santé à sortir en urgence un communiqué rassurant, en démentant toute épidémie et en affirmant que la situation était sous contrôle.

Le mal, cependant, était déjà fait. En tentant de rectifier ses propos dans une seconde vidéo, le Dr Yaba n’a fait que confirmer l’existence d’un malaise plus profond : celui d’une parole publique désaccordée au sommet de l’État. Dans les régimes de transition, la discipline de communication est une ligne rouge. Le médecin l’a franchie. Il en paie aujourd’hui le prix.

Dès lors, sa présence au Palais n’était plus qu’une anomalie temporaire. La défiance s’est installée. La relation avec l’exécutif est devenue hésitante, fragile, presque décorative. La décision de le renvoyer à son administration d’origine apparaît ainsi moins comme une surprise que comme l’aboutissement logique d’une défiance consommée.

Mais l’ironie de l’histoire est ailleurs. Car si le Dr Yaba est prié de quitter les lambris présidentiels, il retourne en terrain conquis : le Samu Social Gabononais. C’est là, dans ce service d’urgence souvent abandonné par les grands projets de l’État, qu’il a construit l’essentiel de sa crédibilité. Avec des moyens dérisoires, il y a imposé une rigueur, une efficacité, une organisation qui forcent le respect. Le Samu Social est devenu, sous sa houlette, l’un des rares espaces où la santé publique fonctionne sans slogans creux ni effets d’annonce.

Ce qui choque, au fond, ce n’est pas tant son départ que ce qu’il révèle : au Gabon, alerter peut coûter plus cher que se taire. En matière de santé publique, la vérité scientifique semble devoir céder le pas aux impératifs politiques. Mieux vaut rassurer que prévenir, mieux vaut contrôler le récit que protéger l’opinion.

La question demeure entière : le Dr Yaba a-t-il été sanctionné pour avoir eu tort… ou pour avoir parlé trop tôt, trop fort, sans autorisation ? Derrière cette affaire se dessine une vérité plus inquiétante : dans la gestion des crises, la communication prime désormais sur la précaution. Mais dans tous les cas, il ne revenait pas au patron du Samu Social Gabonais de faire pareille communication. Jusqu’ici, on se demande bien ce qu’il lui ait passé par la tête.

Ainsi donc, le médecin retourne sauver des vies, pendant que le politique s’occupe de la politique. Et chacun, à sa manière, poursuit son combat. Le Dr Yaba aura appris de cette histoire…à ses dépens.

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