Par Stive Roméo Makanga
« Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? » La très célèbre comédie française coécrite et réalisée par Philippe de Chauveron, bien que tournant en dérision le racisme et le mariage mixte, nous a subtilement révélée, par les rôles interprétés par l’excellentissime Christian Clavier et Chantal Louby, madame Verneuil, que parfois des gens peuvent recevoir des coups d’une telle fermeté, sans qu’il ne s’y attendent, et qui impacteront pour très longtemps leurs existences. C’est ce qu’a vécu le peuple Gabonais en 2009, avec l’arrivée d’Ali Bongo Ondimba à la magistrature suprême.
Certes, le Gabon avait besoin d’alternance au sommet de l’Etat. C’est d’ailleurs une exigence qu’avait très tôt formulée la majeure partie des populations, ne tolérant plus qu’avec un tel niveau de richesse, le pays soit toujours à la queue du peloton des nations africaines.
Puis, est arrivé Ali Bongo Ondimba. Le discours mirifique qu’il servit aux populations lassées de subir, transporta ces derniers dans des projections compliquées. Faire du Gabon un « Dragon » à l’horizon 2025, qui pouvait douter d’une telle ambition ? L’argent était disponible.
Convaincu que le fils d’Omar Bongo Ondimba était peut-être, bien qu’on ne l’affectionna pas tant, l’homme de la situation, on s’est autorisé à rêver. Et puis d’ailleurs, qui mieux que le fils est plus indiqué à gommer les erreurs du père ? Tel est le raisonnement que chacun a fait. Et bien qu’André Mba Obame nous prévint du canular, nous nous bornions quand même à l’invectiver, ce en le traitant de tous les noms de volatiles, son statut de transfuge du Parti Démocratique Gabonais (PDG) et de frère déloyal confortant cette considération.
Ali Bongo Ondimba avait donc les coudées franches. Il pouvait s’autoriser toutes les ambitions, tous les rêves, y compris celui de faire du Gabon la première puissance Africaine. Mais c’est foutu. Le pays marche désormais à reculons.
Pourtant, Omar Bongo Ondimba, nonobstant le profond retard qu’il fit accuser au Gabon, prit le soin de laisser des finances assainies, sans compter les réserves.
Ali Bongo Ondimba avait tout pour faire réellement décoller ce pays, et offrir enfin, à chacun, l’héritage si cruellement confisquée par une minorité en alliance directe avec les Bongo.
Paradoxalement, la dette de l’Etat se chiffre aujourd’hui à 75%. Le Gabon, désormais à genou, la mauvaise gestion de la crise pandémique ayant enfoncé le clou, est devenu le 2e pays le plus endetté de la zone CEMAC après le Congo.
En clair, au moins deux générations, si ce n’est trois, passeront sans que le pays n’ait été capable de rembourser. L’avenir de nos enfants, et des leurs, est déjà compromis.
Et comme si cette situation ne suffisait pas, en dépit des 5,3% de taux de positivité à la Covid-19, et de ce que le Gabon soit l’un des pays qui présente le plus faible bilan face à la pandémie du Corona virus, le conseil des ministres du 1er février dernier a de nouveau entériné la prorogation du couvre-feu pour 45 jours supplémentaires. Un tel entêtement ne se justifie pas.
Depuis deux années consécutives, les Gabonais ont supporté à leur corps défendant, le poids de ces mesures, lesquelles ont littéralement fait voler en éclats toute possibilité de se déployer, de se construire, de se chercher avec fierté et dignité, dans l’entière sérénité.
La crise pandémique reste sans conteste, l’argument massue (si l’on en avait encore besoin) qui devrait motiver les populations à tourner définitivement par tous les moyens, le chapitre Ali Bongo Ondimba, parce que trop douloureux.
En 13 années (sans discontinuité) au sommet de l’État, les Gabonais ont atteint le fond, vécu les pires atrocités qu’il leur avait été donné d’expérimenter en ce bas monde, en plus d’avoir été forcé à la résilience. Pourtant, jusqu’en 2008, peu avant la tragique disparition d’Omar Bongo Ondimba, rien ne les préparait à un tel destin.
Les magistères d’Ali Bongo Ondimba sont une bérézina. Les castings ont été mauvais, les détournements de deniers publics ont été les plus fous dans l’histoire de notre pays et pour couronner le tout, ses tous jeunes collaborateurs (les actuels) sont haineux, prétentiards, vociférateurs et condescendants.
Rien ne devrait motiver les populations, si cruellement paupérisées, à lui accorder d’autres suffrages. En 2022, les Gabonais manquent toujours du strict minimum (Se loger décemment, se soigner, se nourrir). “L’amélioration des conditions de vie des populations”, littéralement vidée de sa substance, est servie comme un slogan de campagne.
Il faut rester objectif.