Par Stive Roméo Makanga
Certaines adresses présidentielles sont restées dans les mémoires pour leur pertinence, leur singularité…leur humilité. L’on se souvient toujours du “Moi, président, je” de François Hollande, dont la substance ne disparaîtra jamais.
On ne le dit pas souvent, mais les chefs d’États écrivent rarement leurs discours. Ils sont très rares à être comme Georges Pompidou, qui de son temps, les écrivait lui-même. Mais le fait est plausible, c’était un normalien, reçu premier à l’agrégation de lettres. Tout ceci a quelque peu compté.
Les plumes, comme on les appelle, sont ces personnes de l’ombre, qui tiennent ce rôle décisif et qui ont cette responsabilité d’allier le talent d’écriture à l’humilité. Une tâche ardue, on en convient, mais pour les besoins de la fonction, elle se révèle comme une exigence fondamentale pour le rédacteur.
Alors locataire à Matignon entre 1995 et 1997, Alain Juppé s’était fait préalablement remarquer pour ses talents d’écriture.
Il fut l’une des nombreuses plumes de Jacques Chirac, qui s’exprimait toujours aux Français avec la plus profonde humilité, quelques furent les climats sociopolitique qui ont émaillé ses magistères.
Juppé avait ce talent de faire passer les mots, de rehausser l’image de la fonction. Cela lui a d’ailleurs valu tout le respect du landernau politique français.
Erik Orsenna, l’une des plumes de François Mitterrand, avait quant à lui souvent essuyé des observations assez sévères de son patron.
Bien qu’il fut un virtuose de l’écriture, ses textes ont, contrairement à ceux de l’ancien maire de Bordeaux, connu des remarques sévères de l’ancien président français, qui n’hésitait pas de lui rappeler l’importance de rester humble et de balayer d’un revers de main toute sorte d’ego et de ressentiment. Ces choses passent mal et sont souvent perçus comme du mépris.
Visiblement, la plume d’Ali Bongo Ondimba, celle qui a rédigé son allocution du 31 décembre 2021 a manqué cruellement de pondération et d’humilité.
Il faut être imprudent pour oser traiter dans un discours de fin d’année ses compatriotes d’irresponsables et ou d’apprentis sorciers. Un tel propos est loin de correspondre à l’image d’un chef d’État, et la plume du président gabonais aurait gagné à faire passer son employeur comme un homme qui comprend le sens des revendications, qui prend le poids de la mesure et qui travaille, sans relâche, avec son gouvernement, dans la perspective de tout porter à amélioration.
Un chef d’État ne traite pas ses concitoyens avec condescendance. Il prend de la hauteur, comprend la substance des voix dissidentes, et invite au dialogue, à l’apaisement.
La plume d’Ali Bongo Ondimba a été si exécrable qu’elle a littéralement tué le soupçon de crédibilité qu’il restait au chef de l’État.
À quelques mois seulement de la présidentielle, il faut avouer que cet excès sera sanctionné par les urnes.
Personne ne veut d’un président prêt à “se battre” avec tous ceux qui osent objecter ses décisions, ou qui lui font l’observation des mesures impopulaires, non productives, et quelque peu inhumaines du gouvernement.
Serait-ce donc les nouveaux régents du Palais Rénovation qui ont osé bidouiller le discours du chef de l’État ? Tout semble converger vers cette hypothèse…manifestement.