Gabon : l’État suspend les baux administratifs après une hausse record des dépenses
Par Agnès Limori
Face à l’envolée des charges locatives de l’administration publique, le ministre de l’Économie, Henri-Claude Oyima, a annoncé une mesure drastique : la suspension immédiate et indéfinie du traitement et du paiement de tous les baux administratifs de l’État. Cette décision survient dans un contexte de dérive budgétaire alarmante, marquée par une augmentation de 275 % des dépenses locatives entre 2013 et 2025.
Une dérive budgétaire inquiétante
Dans une note datée du 16 mai 2025, le ministre Henri-Claude Oyima informe les directions générales compétentes – notamment celles du Budget, du Patrimoine, de la Comptabilité publique et du Contrôle budgétaire – de ce moratoire. La mesure vise à stopper net une inflation galopante des loyers publics, passés de 6,6 milliards de FCFA en 2013 à plus de 25 milliards de FCFA en 2025. Cette hausse, équivalente à une augmentation annuelle moyenne de 37,48 %, a engendré une dette colossale pour l’État.
Les chiffres sont parlants : une dette cumulée de 39,1 milliards de FCFA s’ajoute à 28,2 milliards d’arriérés, portant la charge totale des baux administratifs à 67,3 milliards de FCFA. Ce gouffre financier trouve son origine dans divers facteurs : la prolifération d’entités administratives, l’absence de réhabilitation du parc immobilier public, la démolition de la Cité de la Démocratie et une gestion laxiste des crédits alloués.
Une gestion opaque sous le feu des critiques
Le document officiel laisse entrevoir des pratiques opaques et une absence de stratégie immobilière. L’État loue sans investir dans la construction ou la rénovation de bâtiments publics, laissant le champ libre à des arrangements douteux entre bailleurs et gestionnaires. Ces derniers semblent avoir profité des crédits publics, alimentant ainsi un système préjudiciable pour les finances publiques et les contribuables.
Une décision saluée, mais à haut risque
La suspension des baux administratifs a été saluée comme un acte courageux de rigueur budgétaire. Cependant, cette mesure pourrait engendrer des perturbations significatives : résiliations de contrats, expulsions de services publics, interruptions d’activités dans des immeubles loués, et tensions sociales parmi les prestataires privés – propriétaires, agences immobilières et fournisseurs de services.
Dans un contexte où de nombreuses administrations publiques sont hébergées dans des locaux privés, cette décision pose la question d’une refonte nécessaire de la gestion immobilière de l’État. Elle pourrait également préfigurer un audit généralisé et des réformes structurelles pour rationaliser les dépenses locatives.
Un défi pour la Vᵉ République
Au-delà des enjeux financiers, cette décision soulève des interrogations politiques majeures. La suspension des paiements reflète-t-elle l’engagement de la Vᵉ République contre la vie chère et pour une meilleure gouvernance ? Si oui, elle impose une responsabilité accrue aux gestionnaires publics et appelle des sanctions exemplaires pour les auteurs des dérives passées.
En frappant fort, le ministre Henri-Claude Oyima envoie un signal clair. Reste à voir si cette mesure constituera le premier pas vers un véritable assainissement institutionnel ou si elle restera une réponse ponctuelle à une crise budgétaire devenue intenable. Le défi est immense, mais il pourrait redéfinir les bases de la gestion immobilière publique au Gabon.
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