Par Stive Roméo Makanga
Dans un contexte politique marqué par l’incertitude, le projet de révision constitutionnelle proposé par les autorités de transition n’a pas fini de faire couler de l’encre et de la salive. Alain Claude Billie By Nze (ACBBN), dernier Premier ministre sous Ali Bongo Ondimba, a récemment exprimé son opposition farouche à cette initiative lors d’une interview accordée à nos confrères de Gabon Média Time (GMT). L’homme politique, désormais figure emblématique de la résistance à ce projet, dénonce ce qu’il considère comme une atteinte aux fondements démocratiques du Gabon, acquis de haute lutte au cours des dernières décennies.
Dans son intervention, Alain Claude Billie By Nze ne mâche pas ses mots. Ayant attentivement lu le projet de constitution, il se dit stupéfait par le contenu qu’il juge particulièrement dangereux pour l’avenir de la démocratie gabonaise. Selon lui, ce texte propose une rupture radicale avec les acquis démocratiques obtenus lors de la Conférence nationale de 1990, un moment clé dans l’histoire politique du pays. “Le préambule de ce projet de constitution remet en cause totalement les acquis démocratiques obtenus dans les années 1990. Tout se passe comme si l’histoire du Gabon commençait le 30 août 2023”, déclare-t-il avec gravité.
Pour Alain Claude Billie By Nze, la Conférence nationale de 1990 représente un tournant fondamental dans l’histoire du Gabon, lequel a permis de mettre fin à des décennies de gestion autoritaire et d’instaurer un système multipartite. À ses yeux, le projet de constitution actuel balaie d’un revers de main cette période cruciale, tout en faisant table rase du passé et des luttes menées par des générations de Gabonais pour l’instauration de la démocratie.
Le projet de constitution, s’il était adopté tel quel, signerait, selon lui, la fin du multipartisme. En effet, il critique vivement une disposition prévoyant que les partis politiques soient regroupés en quatre blocs idéologiques. “Ça s’est vu dans quel pays ? Même la Corée du Nord ne peut pas le faire”, s’insurge-t-il. En limitant le champ politique à quatre blocs, le projet restreindrait considérablement la liberté d’association, pourtant reconnue comme un droit fondamental dans les textes internationaux.
Cette volonté de réduire le paysage politique à quelques idéologies préconçues est perçue par ACBBN comme une attaque directe contre la liberté de penser et d’expression. Pour lui, ces libertés, fondements d’une société pluraliste et démocratique, ne peuvent être compromises sous aucun prétexte. “La liberté d’expression, la liberté de penser, la liberté d’association font partie des grands droits reconnus à chaque être humain par tous les textes internationaux”, affirme-t-il avec force. Dès lors, valider un tel projet reviendrait à cautionner un retour en arrière, une régression démocratique inacceptable pour celui qui a longtemps occupé les plus hautes fonctions de l’État.
Mais Alain Claude Billie By Nze ne se contente pas de critiquer l’aspect politique du projet de constitution. Il s’attaque également à des dispositions qu’il juge profondément discriminatoires, notamment celles concernant la nationalité. Selon lui, ce texte remettrait en question le principe fondateur édicté en 1960, selon lequel toutes les personnes domiciliées au Gabon au moment de l’indépendance devenaient automatiquement Gabonaises. Ce principe, qui a permis de cimenter l’unité nationale, serait ainsi ébranlé par la nouvelle constitution.
L’ancien Premier ministre s’insurge contre ce qu’il perçoit comme une tentative d’exclusion de la Diaspora et des enfants nés de mariages mixtes. “On juge Léon Mba après sa mort. On estime que Léon Mba a mal fait d’épouser une Centrafricaine, et donc, les enfants de Léon Mba seraient aujourd’hui illégitimes pour être candidats à la présidentielle”, martèle-t-il. Par cette analogie, il fait référence aux pères fondateurs du Gabon, notamment Léon Mba et Omar Bongo, dont les unions avec des étrangères seraient aujourd’hui pointées du doigt dans ce projet constitutionnel.
Pour ACBBN, il est inconcevable que le pays construise son avenir en excluant une partie de sa population. “Dans toutes nos familles, dans nos environnements aujourd’hui, on trouve des enfants de pères ou de mères qui viennent de l’étranger”, rappelle-t-il. Exclure ces citoyens reviendrait, selon lui, à déchirer le tissu social et à nier l’histoire du Gabon, un pays qui a toujours été marqué par sa diversité culturelle et ethnique.
La prise de position d’Alain Claude Billie By Nze s’inscrit dans une lutte plus large pour la sauvegarde des valeurs fondamentales de la République. Sa détermination à combattre ce projet de constitution est nourrie par une conviction profonde : celle que l’inclusion, la liberté et la démocratie sont des piliers essentiels pour la construction d’un Gabon moderne et prospère. “Je me battrai de toutes mes forces pour faire échouer cette tentative de destruction de la société gabonaise”, lance-t-il avec véhémence.
Pour l’ancien Premier ministre, il ne s’agit pas d’une simple opposition politique, mais d’un combat pour l’âme du Gabon. Il appelle ainsi à une mobilisation générale des forces vives de la nation, afin de préserver les acquis démocratiques et de garantir un avenir inclusif pour tous les Gabonais, qu’ils soient du pays ou de la Diaspora.
Force est de reconnaître qu’Alain Claude Billie By Nze, par ses déclarations, se positionne aujourd’hui en défenseur des libertés fondamentales et des principes d’inclusion qui ont toujours sous-tendu l’identité gabonaise. Face à ce qu’il perçoit comme une menace pour l’unité nationale et les acquis démocratiques, l’homme de Makokou promet de poursuivre son combat avec détermination.