Par Stive Roméo Makanga
Alors que le Gabon se prépare à un tournant politique majeur avec le référendum constitutionnel initié par le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, une question brûle les lèvres de nombreux observateurs : le “Oui” remportera-t-il avec une majorité écrasante ? Dans un contexte de transition complexe, marqué par des défis et des promesses de renouveau, le référendum pourrait bien révéler les aspirations et divisions profondes qui traversent la société gabonaise.
Une Transition critiquée, mais un espoir vivace
Depuis son installation à la tête du pays, le Comité de Transition pour la Restauration des Institutions (CTRI), dirigé par Oligui Nguema, a suscité autant d’espoirs que de critiques. Si les “couacs” de la Transition – de l’instabilité des institutions aux décisions contestées – n’ont pas manqué, une large frange de la population demeure confiante en la promesse d’un “Gabon nouveau”. Ce terme, largement popularisé par le discours du président de la Transition, symbolise une rupture avec les pratiques passées et une aspiration vers une gouvernance plus transparente et inclusive.
Brice Clotaire Oligui Nguema et son gouvernement de transition semblent avoir su séduire une partie de la population, qui voit en eux les architectes d’un renouveau politique. Ce soutien, bien que contrasté, pourrait jouer un rôle décisif lors de ce référendum constitutionnel. En dépit des erreurs de parcours, les Gabonais pourraient être nombreux à accorder une chance à cette Transition, en espérant qu’elle jettera les bases d’un avenir politique stable et démocratique.
L’appel au “Non” du syndicat de l’éducation : un contrepoids notable
Si une majorité semble favorable au “Oui”, tout n’est pas acquis pour le camp de la Transition. En effet, le principal syndicat de l’éducation, pilier de la société gabonaise, a pris une position claire en faveur du “Non”. Sous la houlette de figures influentes telles que Jean Rémi Yama, ce syndicat oppose une résistance fondée sur des préoccupations socio-politiques et sur une vision critique de la Transition. Bien que le vénérable Jean Rémi Yama ne soit pas officiellement engagé dans le processus électoral, sa voix continue de peser lourdement dans les débats, donnant du crédit aux défenseurs du “Non”.
Toutefois, ce rejet du référendum par le secteur éducatif reste, pour l’instant, isolé. D’autres secteurs de la société gabonaise, notamment les partis politiques, semblent prêts à soutenir cette réforme constitutionnelle, estimant qu’elle est nécessaire pour moderniser le cadre institutionnel du pays. Pour eux, l’adhésion au projet de constitution marque une opportunité de stabilisation politique et de réformes tant attendues.
Un large soutien politique et social au “Oui”
Outre l’adhésion de nombreux partis politiques, le président de la Transition peut compter sur le soutien des associations et de plusieurs personnalités publiques influentes. Cette dynamique de coalition s’illustre par l’engagement de multiples acteurs du tissu associatif gabonais, lesquels voient dans ce référendum une occasion unique de consolider la gouvernance et de renforcer les droits civiques. Dans cette perspective, le “Oui” semble porté par une ferveur populaire qui pourrait bien se transformer en un raz-de-marée électoral.
Les nombreux soutiens à ce référendum traduisent aussi une volonté de pacification et de normalisation des institutions. Les associations, souvent perçues comme les porte-voix des préoccupations citoyennes, ont mobilisé leurs membres pour encourager la participation au vote et défendre l’importance de ce projet constitutionnel, même si tout ceci s’apparente au fameux “kounabélisme”. Pour beaucoup, le référendum apparaît comme le chemin le plus court vers une stabilité institutionnelle, essentielle pour la relance économique et sociale du pays.
Les chantres du “Non” : une opposition résolue mais dispersée
Malgré ce soutien massif en faveur du “Oui”, la campagne pour le “Non” n’est pas sans alliés influents. Des figures emblématiques comme Pierre Claver Maganga Moussavou, l’opposant de longue date, le professeur Albert Ondo Ossa, ainsi qu’Alain Claude Billie By Nze, ancien Premier ministre sous Ali Bongo Ondimba, ont rejoint le camp du “Non”. Pour ces personnalités, le projet de réforme constitutionnelle représente une menace pour la souveraineté populaire et pourrait, selon eux, consolider davantage un régime de transition sans réel contrepoids démocratique.
Pierre Claver Maganga Moussavou, connu pour son franc-parler et sa critique du régime en place, fait partie des principaux critiques de cette réforme. Il estime que la nouvelle constitution ne ferait qu’asseoir la mainmise de l’actuelle Transition sur les institutions du pays. Le professeur Ondo Ossa, quant à lui, pointe du doigt les risques de dérives autoritaires, et continue de mettre en garde contre une concentration excessive des pouvoirs au profit de la Transition. Enfin, l’ancien Premier ministre Alain Claude Billie By Nze voit dans ce référendum un projet inabouti, qui manque de garanties pour la démocratie.
Une majorité du “Oui” : probable mais à nuancer
Au regard des soutiens populaires, politiques et associatifs, il semble plausible que le “Oui” obtienne une majorité importante lors de ce référendum. Cependant, la résistance de certains secteurs, notamment l’éducation, et l’influence de figures d’opposition notables pourraient tempérer cet élan. En effet, le “Non” incarne pour une partie de la population une défiance envers les promesses de la Transition, un rappel que le chemin vers une réforme constitutionnelle pleinement acceptée reste semé d’embûches.
Le résultat du référendum pourrait donc refléter une tendance générale vers l’approbation du projet de constitution, mais aussi une division latente au sein de la société gabonaise. La Transition se voit donc investie d’une double mission : celle de concrétiser les espoirs placés en elle par ses partisans et de rassurer les sceptiques quant à sa capacité à garantir un Gabon démocratique et inclusif.