Gabon/Vingt ans de prison pour Sylvia et Noureddin Bongo : la justice frappe par contumace
Par Joseph Mundruma
C’est un verdict aussi lourd que symbolique qui est tombé le 11 novembre au Palais de justice de Libreville. Par contumace, la Cour criminelle spécialisée a condamné l’ancienne première dame du Gabon, Sylvia Bongo Ondimba, et son fils, Noureddin Bongo Valentin, à vingt ans de réclusion criminelle pour détournement massif de fonds publics. À cette peine s’ajoutent une amende de cent millions de francs CFA chacun, la confiscation intégrale de leurs biens, ainsi qu’un mandat d’arrêt international.
Cette sentence, rendue au terme de deux jours d’audience, clôt le premier acte judiciaire d’une affaire tentaculaire, symbole des dérives d’un système familial qui, pendant plus d’une décennie, aurait fait main basse sur les finances publiques. Le procureur général, Eddy Minang, n’a pas mâché ses mots, parlant d’un véritable « braquage de la République », orchestré avec méthode et cynisme depuis les plus hautes sphères du pouvoir. Selon lui, plus de 1 200 milliards de francs CFA auraient été siphonnés au détriment du Trésor public, tandis que d’autres sources évoquent un préjudice total avoisinant les 4 400 milliards de francs CFA.
Le réquisitoire, implacable, s’est appuyé sur une série de témoignages et de documents financiers qui dessinent les contours d’une gabegie sans précédent. L’un des témoins clés, Kim Oum, gérant de sociétés-écrans, a décrit un train de vie vertigineux : plus de deux milliards de francs CFA dépensés chaque mois, des voyages privés aux frais de l’État, et une myriade de structures fictives destinées à camoufler les flux d’argent. De Londres à Marrakech, en passant par Dubaï, le réseau Bongo aurait multiplié les acquisitions immobilières, les placements dans des paradis fiscaux et même les participations dans des actifs pétroliers et miniers.
Face à cette accumulation d’éléments accablants, le président de la Cour, Jean Mexant Essa Assoumou, a parlé de « crimes d’une ampleur inédite, commis au cœur même de l’État ». En conséquence, la juridiction a ordonné la confiscation de tous les biens identifiés : comptes bancaires, propriétés de luxe, et participations stratégiques. Une mesure qui vise à restaurer, au moins symboliquement, la souveraineté financière d’un pays longtemps saigné par la prédation de ses élites.
En exil à Londres, Sylvia et Noureddin Bongo ont refusé de comparaître, dénonçant une procédure « politisée » et une justice aux ordres du pouvoir de transition. Ils n’en demeurent pas moins au centre d’un dossier où s’entremêlent corruption systémique, blanchiment aggravé, usurpation de titres et association de malfaiteurs. Leur condamnation marque une rupture dans l’histoire judiciaire du Gabon, mais laisse aussi planer une question : s’agit-il d’un tournant vers une véritable ère de reddition des comptes, ou simplement d’un procès exemplaire destiné à solder l’héritage d’un clan aujourd’hui déchu ?



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