Par Stive Roméo Makanga
Après avoir interpellé les plus hautes autorités sur l’absence d’un dialogue au sein de l’Agence Gabonaise de Sécurité Alimentaire (AGASA), cette structure où les agents connaissent de grandes difficultés dues à un management très approximatif, le Syndicat National des Travailleurs de l’AGASA saisit cette fois-ci l’Autorité Nationale de Vérification et d’Audit (ANAVEA) afin qu’un audit financier soit diligenté au sein de cette structure.
Cette saisine vient encore toucher du doigt la grogne sociale paroxysmique qui contraste avec la communication digitale rendue publique par le directoire de ladite agence.
Selon les informations en notre possession, c’est à la sortie de l’Assemblée Générale Extraordinaire du 02 mars dernier au siège de l’AGASA, que le SYNATA avait porté à l’attention du Président du Conseil d’Administration de l’AGASA, plusieurs irrégularités graves en lien avec la gestion financière hasardeuse de cette entité publique, et relevant de sa compétence directe, pour qu’un audit soit déclenché au sein de la structure.
Parmi les irrégularités relevées par le SYNATA nous pouvons lire entre autres :
l’utilisation d’ordres de recettes et d’ordres d’encaissements du trésor public, imprimés par un prestataire privé pour l’AGASA sans aucune traçabilité ni informations des services du trésor public ;
l’absence de contrôle du trésor public sur l’impression et la gestion de ces documents comptables et les numéros de séries y afférents ;
sur la perception des fonds par les délégations provinciales à travers ces documents sans aucun contrôle, sur toute l’étendue du territoire national ;
le non-respect des clauses financières d’une dizaine de contrats de travail de mars 2019 jusqu’à ce jour, pour plusieurs agents toutes catégories confondues allant de la technicienne de surface au chef de service en violation des articles 14 et 19 du Code du Travail en République Gabonaise et de l’article 8 du Règlement intérieur de l’AGASA.
Une plainte est en cours auprès du Tribunal de 1ere instance de Libreville.
Sur 11 agents concernés par le non-respect de contrats, ce sont au total 09 femmes qui sont touchés ce qui est encore plus aberrant quand on sait que les plus hautes autorités du pays n’ont de cesse de garantir et promouvoir les droits des femmes par le biais du programme Gabon Egalité.
L’attribution de plusieurs marchés publics en violation flagrante du code des marchés publics (décret n°00027/PR/MEPPDD du 17 janvier 2018) depuis 2019.
Les interrogations du SYNATA viendraient d’une annonce faite par les représentants de la Direction Générale sur une baisse des recettes pour l’exercice 2022 soit un déficit de 600 millions sur le budget initial d’environ 2,2 milliards annoncé en début d’exercice.
Sachant que les activités n’ont jamais été interrompues pour un quelconque motif que ce soit, et qu’aucune données techniques disponibles en lien avec les services de certifications sanitaires et phytosanitaires ne corroborent ces propos, qu’est-ce qui pourraient le justifier ? A contrario, ces mêmes données techniques font plutôt état d’un excellent exercice 2022 avec des recettes nettes de plusieurs milliards de francs CFA.
Il faut aussi noter, qu’en parallèle à cette saisine, et dans le but d’apaiser les tensions existantes, un protocole d’accords a été signé le 07 mars 2023, entre le SYNATA et la Direction Générale sous la houlette du Secrétaire Général du Ministère de l’Agriculture, de la Sécurité Alimentaire, Chargé de la Valorisation de la Ruralité.
Selon nos sources, Ce protocole d’accords d’une durée de trois (3) mois, devait permettre la résolution de questions urgentes telles que la révision des Accords Collectifs d’Etablissements, la refonte du système de rémunération, la refonte du système de facturation et de recouvrement etc.
Cependant, trois mois plus tard, le SYNATA déplore une fois de plus la fourberie et l’absence d’une volonté manifeste de la Direction Générale d’œuvrer véritablement pour une sortie de crise via le traitement de ces questions importantes pour la pérennité de l’AGASA.
En outre, on apprend que la Direction Générale a brillé, d’une part, par la lenteur dans le règlement de la première tranche des émoluments des cabinets sollicités pour leur expertise sachant que le paiement était une condition sine qua non au démarrage des activités desdits cabinets. Et d’autre part, bien que les dates de réunion soient connues d’avance, on a pu constater des absences répétées des représentants de la Direction Générale comme en témoigne les listes de présences, lors des rencontres du comité de suivi paritaire.
Pire, il semblerait que le mépris de la Direction Générale actuelle pour les réclamations naturelles (fondements juridiques et règlementaires) du personnel de l’AGASA semble être le même que cette dernière a envers son ministre de tutelle, à contrario de l’excellent rapport qu’elle entretenait avec l’équipe ministérielle précédente.
En effet, selon certaines sources proches du dossier, le Directoire de l’AGASA s’illustre par un refus assumé de collaborer aux tentatives de la nouvelle équipe du Ministère de la Sécurité Alimentaire pour s’assurer de la régularité du fonctionnement de l’AGASA. On en veut pour preuve, une fin de non-recevoir adressée à l’Inspection Générale des Services du Ministère, envoyé en mission d’audit à l’AGASA par le Ministre (V/N°000649/MASAVR/SG/AGASA/DG du 26 mai 2023).
Face à autant de déni, on serait amené à croire que du fait de son patronyme, qu’elle puisse bafouer délibérément et de façon continue les règles administratives et les droits des travailleurs occasionnant ainsi un impact négatif sur les pans technique, administratif, comptable et financier de cette structure dont les missions sont vitales pour le pays et pour les populations.
Surtout que pour le cas d’espèce, le SYNATA a déjà rappelé que la nomination du Directeur Général de l’AGASA répond à des critères spécifiques réglementaires qui n’ont pas été respectés depuis 2019, exposant ainsi cette structure a toute sorte de malversations comme ce fut le cas pour la CNAMGS, la CNSS et plusieurs agences fermées à ce jour.
En tout état de cause, la saisine de l’ANAVEA va, si l’on en croit la mission de cette structure directement liée à la Présidence de la République, permettre de faire la lumière sur les activités de l’AGASA qui jouit d’une autonomie de gestion financière depuis sa création en 2011.
Enfin, rappelons qu’Ali BONGO ONDIMBA, Président de la République, a souligné son engagement dans la promotion de la bonne gouvernance et son intransigeance face aux comportements déviants des responsables d’administrations publiques qu’il sanctionnera avec la plus grande sévérité en cas de faute avérée.