Par Stive Roméo Makanga
En tentant coûte que coûte de s’offrir une virginité face à l’opinion nationale et internationale (dans une moindre mesure), Ali Bongo Ondimba s’affiche sur tous les fronts.
D’abord, par ses excursions répétées dans l’hinterland, à la faveur de ses tournées dites “républicaines”.
Ensuite, par cette interview fleuve accordée à nos confrères de Jeune Afrique, parue dans la toute dernière livraison.
Si par ses échappées belles dans l’intérieur du pays le numéro Un gabonais peine à convaincre les populations, préférant désormais gaver ces dernières des mêmes promesses non tenues depuis 14 ans, le fils d’Omar Bongo Ondimba s’est prêté à l’exercice d’une interview dont on sait avec pertinence qu’il a d’avance défini le schéma.
Ainsi, sur une double question de Marwan Ben Yamed relative à l’efficacité du gouvernement sur l’avancement des grands projets, d’une part; et de la meilleure formule qui permettrait (enfin) de réaliser les projets tant promis aux populations (c’est sous entendu), d’autre part, Ali Bongo Ondimba élude le tout et préfère jeter l’entière responsabilité de son échec sur ses collaborateurs. “Je n’ai pas toujours été satisfait des personnes à qui j’ai confié des responsabilités”, a-t-il déclaré.
Pour le président Gabonais, il n’est responsable de rien, mais les “personnes” choisies et nommées pourtant sous le sceau de son pouvoir discrétionnaire, sont responsables de tout.
En clair, pour Ali Bongo Ondimba, ses collaborateurs sont les seuls responsables des échecs cumulés sur 14 ans de magistère. On croirait tomber des nues.
Et, confusément, le président Gabonais, sans jamais dire à Marwan Ben Yamed s’il avait (enfin) trouvé la bonne formule, prétend avoir mis au point depuis 2009 une procédure de suivi et d’évaluation destinée à rendre l’action gouvernementale plus efficace, clin d’œil aux Task force. “Force est de constater que cela fonctionne”, assure Ali Bongo Ondimba.
Sauf que par égard pour la vérité, il eût été judicieux que le président Gabonais reconnaisse que de 2009 à 2023, il y a très exactement 14 années, et que sur le terrain, à Libreville comme dans l’hinterland, les débâcles sont loin d’être anecdotiques.
Chômage des jeunes grandissant, vie chère ou inflation galopante, inaccessibilité du réseau routier dans l’hinterland (la liste est loin d’être exhaustive), sont autant de griefs que l’on pourrait lui opposer.
De plus, parler du projet de construction des trois universités dans l’arrière-pays, des 5000 logements annuels, des aéroports et bien d’autres perspectives majeures pourtant annoncées en grandes pompes par lui seul, ne ferait que démontrer à quel point Ali Bongo Ondimba s’est bien fourvoyé ces deux septennats passés.
Aujourd’hui, il convient plutôt de dire que ni les dénégations formulées dans un quelconque journal panafricain, encore moins les tournées républicaines exsangues engagées depuis peu dans l’hinterland, ne sauraient gommer sur le terrain les preuves d’une bérézina savamment nourrie des années durant.
Seul Ali Bongo Ondimba a reçu l’onction du peuple pour façonner son destin, et non ses collaborateurs, dont il dit n’avoir jamais été satisfait des états de services.
Le peuple juge et jugera toujours le président de la République, et non les collaborateurs. Mais le sait-il seulement? Rien n’est moins sûr.