Par Stive Roméo Makanga
En détention préventive à la prison centrale de Libreville depuis septembre 2022 dernier, Emmanuel Ndzoma, le prophète autoproclamé dont les supercheries avaient été mises à nue par la Direction Générale de la Documentation et de l’Immigration (DGDI), a recouvré la liberté, même si à titre provisoire, vendredi 17 février 2023.
Le chef de file de la Synagogue du Gabon, véritable repère d’escrocs dont le modèle économique se fonde sur la prophétie et la guérison, avait été inculpé pour association de malfaiteurs, escroquerie et charlatanisme.
En pleine croisade, le pseudo faiseur de miracles avait prétendu inoculer une grossesse de trois mois, en moins d’une minute, à Hulda Mbenga, une jeune gabonaise déclarée stérile.
Une grossière manipulation de l’opinion qui avait provoqué l’ire de nombreux responsables religieux dont Francis Michel Mbadinga, leader du Centre d’Evangélisation Béthanie (CEB), à juste titre considéré comme une figure importante de la grande communauté des églises de réveil du Gabon.
De sources concordantes, c’est consécutivement à la demande de liberté provisoire formulée par Me Jean Paul Moubembé, l’un de ses conseils, qu’Emmanuel Ndzoma aurait été autorisé à regagner son domicile vendredi dernier à 16h.
A-T-ON DÉCIDÉ DE FERMER LES YEUX SUR LES “CRIMES” D’EMMANUEL NDZOMA?
Depuis sa mise en liberté provisoire, ils sont nombreux à s’interroger au sein de l’opinion. Certes, en droit, la liberté provisoire peut être sollicitée par la personne en état de détention. Seulement, dans le cas d’Emmanuel Ndzoma, des questions taraudent plus d’un. Les juristes interrogés par nos soins sont formels.
Il y a des préalables à l’octroie d’une liberté provisoire. Cela peut-être motivé par “l’obtention d’un emploi stable ou le risque d’en perdre un, alors que l’on est un soutien important pour sa famille, ou encore le fait d’avoir des problèmes sérieux de santé dûment certifiés par un médecin et qui nécessitent un suivi particulier en dehors des locaux de la détention”.
Et: “Le demandeur doit s’appuyer sur l’émotionnel et le rationnel pour emporter la conviction du juge”.
Emmanuel Ndzoma était-il sur le point d’obtenir un emploi stable? Pas du tout.
À contrario, courait-il le risque d’en perdre un? Nullement. Avait-il des problèmes de santé qui nécessitent un suivi particulier hors de la Maison d’arrêt de Libreville? Bien-sûr que non, ses avocats n’ont eu de cesse d’ailleurs, de rappeler qu’il se portait bien et qu’il “lisait la Bible”.
Quels facteurs ont pu motiver sa mise en liberté provisoire ? Motus et boule de gomme.
Tout de même, de ces précisions, il est clair que par soucis d’analogie, l’on veuille établir un parallèle au cas Jean Rémy Yama, dont l’état de santé, presque végétatif il y a un moment, n’avait pas suffi à “emporter la conviction du juge”.
Que s’est-il donc passé dans le cas d’Emmanuel Ndzoma ? Serait-ce possible que le plaidoyer de la famille de ce dernier à l’endroit de Marie Madeleine Mborantsuo, la présidente de la la Cour constitutionnelle, ait suffi à faire bouger les lignes? Probablement, puisque la plaidoirie de la parentèle du prophète autoproclamé, lui aussi originaire du Haut-Ogooué, avait été formulée en langue Obamba.
Un fait qui a pu toucher les sensibilités des autorités originaires de cette partie du pays.
“La liberté provisoire est une mesure prise en faveur de l’individu en état de détention, qui après l’avoir demandée pour des raisons bien motivées, va recouvrer sa liberté à titre provisoire avant son jugement sur les faits reprochés à lui devant un tribunal”, précise un juriste, avant d’ajouter qu’ “Il ne s’agit pas d’une mise en liberté définitive en ce sens que l’instruction de l’affaire suit son cours et la personne libérée provisoirement reste à la disposition des autorités judiciaires”.
DE L’IMPOSSIBILITÉ DE NOYER LES CRIMES D’EMMANUEL NDZOMA
Si la “Croisade des guérisons et des miracles” organisée par ses soins n’avait pas été retransmise en direct sur les réseaux sociaux, jamais les autorités gabonaises ne se seraient intéressées aux débordements auxquels se livrait l’Église la Synagogue du Gabon (ESG), qui est loin d’être la seule en la matière d’ailleurs.
Dans ces temples du “TOUT EST POSSIBLE”, l’abêtissement des populations y est tel qu’on se demande comment des cadres arrivent à se faire prendre dans le jeu des pseudos “prophètes voyants”, dont le niveau scolaire est souvent au voisinage de zéro.
Pour ne nous apesantir que sur le cas Ndzoma, disons que les bruits ont couru sur les réseaux sociaux. Des témoignages à visages découverts de compatriotes se disant abusés par le pseudo faiseur de miracles. Et comme un malheur ne vient jamais seul, la prétendue grossesse miraculeuse de trois mois inoculée par “des anges”, en pleine croisade, avait confirmé les doutes.
Une vraie escroquerie montée de toutes pièces par Ndzoma et ses collaborateurs. Quid de la protection de nos compatriotes ?
Comment comprendre que des individus soient capables de faire fortune en se servant du désespoir, de la détresse, du désarroi des populations ? Et si ces événements, ceux par lesquels l’Église la Synagogue du Gabon (ESG) s’est compromise, étaient un signe du divin? Un appel subtil à la normalisation du secteur?
Et si le Ministère de l’Interieur, par souci de protéger les populations, engageait des discussions avec les fédérations religieuses, à l’effet d’uniformiser ou de normaliser la pratique du culte au Gabon? Une telle dynamique préserverait à coup sûr l’intégrité des Gabonais, et permettrait une harmonisation de tout, dans un secteur où n’importe qui peut prétendre avoir reçu des agrégats thaumaturgiques.