Par Stive Roméo Makanga
Lors de l’émission diffusée récemment sur Gabon 24, chaîne nationale d’information en continu, Pierre Claver Maganga Moussavou, ancien vice-président de la République, a été convié à s’exprimer sur le projet de nouvelle Constitution, dont certaines dispositions suscitent de vives contestations. Face à lui, Léatitia Ngalibika, journaliste et directrice générale de la chaîne, avait pour mission de conduire cet échange crucial sur l’avenir institutionnel du pays. Cependant, au-delà des enjeux de fond, c’est la qualité déplorable de l’entretien qui a retenu l’attention. Lumière.
Le débat aurait pu être une occasion pour l’audience de mieux comprendre les contours du texte proposé, notamment les critiques soulevées par certains compatriotes, dont des députés et sénateurs pourtant nommés par le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, à l’instar de Jean Rémi Yama. Ces voix s’élèvent contre certaines dispositions controversées de cette nouvelle Constitution, jugées attentatoires aux libertés fondamentales et à la séparation des pouvoirs. Toutefois, l’intervention de Léatitia Ngalibika a lourdement contribué à désamorcer toute tentative d’analyse approfondie.
En effet, la prestation de la journaliste a frôlé l’indécence professionnelle. Alors que l’éminent homme politique tentait de développer avec calme et sérénité des arguments articulés et pondérés sur les dangers d’une Constitution bâclée, il a été fréquemment interrompu, sans ménagement, par une Léatitia Ngalibika visiblement plus préoccupée à défendre maladroitement le régime en place qu’à faire son travail de journaliste. Ses questions, souvent biaisées et manquant cruellement de profondeur, ne permettaient guère à Pierre Claver Maganga Moussavou de mener à bien son développement, ni de répondre avec la clarté nécessaire aux interrogations légitimes des citoyens.
Il est indéniable que Léatitia Ngalibika a pris fait et cause pour le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), et plus particulièrement pour Brice Clotaire Oligui Nguema, qu’elle défend sans la moindre objectivité. Il est inquiétant de constater qu’une journaliste dit-on chevronnée, comptant plusieurs années d’expérience, se soit volontairement transformée en porte-parole ou laudatrice d’un pouvoir militaire issu d’un coup d’État, plutôt que de demeurer dans la noble mission qui incombe à tout journaliste : celle d’informer le public avec impartialité et rigueur. Loin d’apporter de la clarté au débat sur cette Constitution controversée, Léatitia Ngalibika, que j’appellerai affectueusement la journaleuse en cheffe, n’a fait que renforcer la méfiance grandissante vis-à-vis des médias d’État, déjà perçus comme les instruments de propagande d’un pouvoir autocratique.
Cette attitude complaisante, qui frise la servilité, participe à l’effondrement de la presse gabonaise. Comment expliquer qu’un média supposé indépendant en arrive à saborder ainsi l’exercice démocratique de l’information ? Plutôt que de donner la parole aux différents acteurs du débat constitutionnel, et d’encourager un échange d’idées équilibré, Léatitia Ngalibika a préféré s’enfermer dans un plaidoyer aveugle au service du CTRI. Ce genre de prestation déplorable contribue à décrédibiliser encore davantage les médias publics, déjà affaiblis par un climat d’autocensure, et éloigne la presse gabonaise de sa mission première.
Le rôle des journalistes n’est pas d’être des défenseurs inconditionnels des pouvoirs en place, mais d’être les gardiens de la vérité et les facilitateurs d’un dialogue informé. En agissant de la sorte, Léatitia Ngalibika n’a rendu aucun service à la presse de son pays, si tant est qu’il est le sien. Elle a, au contraire, terni l’image de sa profession, et contribué à renforcer l’idée que certains journalistes sont prêts à sacrifier l’éthique au profit de la loyauté envers des régimes en place, quels que soient leurs excès. Cette dérive, qui fragilise l’espace médiatique national, risque à long terme de compromettre la confiance des populations envers leurs médias et d’entraver le développement d’une démocratie véritablement pluraliste. Quel dommage !
Regardez l’échange Pierre Claver Maganga Moussavou VS Léatitia Ngalibika ici : https://youtu.be/Ssx1fvNkE8c?si=UiL-PT5-46uW0LA_