Par Télesphore Obame Ngomo
Président de l’OPAM
Si du côté de l’opposition gabonaise, on note un frémissement dans les activités politiques, indispensables pour la bataille électorale à venir, du côté de la majorité au pouvoir, on vit au rythme des scandales divers et des choix hasardeux récemment opérés au sein du gouvernement et du parti démocratique gabonais (PDG).
C’est la preuve que les uns veulent vraiment l’alternance des hommes au sommet de l’État quand les autres essaient de tirer le maximum de ce qu’ils peuvent encore prendre dans le pouvoir en place pour certainement l’abandonner en plein vol le moment venu.
Tout dans l’attitude des nouveaux décideurs le prouve. L’exemple le plus frappant est cette quasi nouvelle résidence présidentielle qu’on a basé à Londres. Fréquenter cette ville autant de fois dans l’année quand les villes de son propre pays, y compris Bongoville, manquent d’une demi apparition du chef de l’État laisse place à toutes les interprétations possibles.
On parle de gens qui sont au sommet de l’État, avec tout ce que cela compte comme avantages et privilèges. Donc, susceptibles de s’offrir chez soi tous les caprices des riches occidentaux. Pourquoi donc ne pas penser que toute la chienlit qui règne dans le pays ne constitue pas un sujet pour ces acteurs identifiables qui peuvent tout simplement et à tout moment décider de s’exiler ?
Ce qui peut expliquer les choix insensés et le désintéressement affiché quant aux affaires du pays y compris la question cruciale des élections à venir. L’impréparation ambiante est plus que frappante et flippante pour qui sait ce qu’impose l’organisation d’une élection présidentielle par exemple. À ce niveau des enjeux, aucune hypothèse n’est à sous-estimer.
C’est l’expérience acquise dans la communication lors de l’élection présidentielle de 2016 qui habillé cet argumentaire froid et sans complaisance.
Est-ce avec ce cabinet présidentiel de grands profanes et d’acteurs impopulaires qu’Ali Bongo Ondimba compte aller à une élection aussi périlleuse ? Est-ce avec Édith Cresson du Gabon et son gouvernement, aphone et atone, que le président de la République entend défendre ses quatorze ans à la tête du Gabon ?
Est-ce avec cette équipe de novices au secrétariat général du parti démocratique gabonais (PDG) que le distingué camarade veut séduire et remobiliser son électorat de base ?
Est-ce avec les injustices frappantes et abondantes dans l’armée que le chef suprême des armées entend sécuriser et pacifier le pays ? Est-ce avec la pluie de scandales au sommet de l’État que le président de la République compte se présenter devant l’opinion publique ? Est-ce avec autant de familles endeuillées par la pauvreté et attristées par les arrestations de leurs enfants que le candidat du PDG souhaite solliciter des voix de la masse?
Une élection présidentielle se prépare. Et pour ce coup, ça sent vraiment le roussi. Déjà en 2009, c’était compliqué. La passation de pouvoir du père au fils n’était pas chose aisée. Bien heureusement, les piliers soutenant et animant le pouvoir d’Omar Bongo Ondimba étaient encore bien vivaces.
En 2016, c’était quasiment désespéré car, la problématique de la Légion étrangère au sommet de l’État au détriment de la consultation des compagnons politiques d’Omar Bongo Ondimba et de la considération des amis politiques d’Ali Bongo Ondimba a failli lui coûter son maintien à la tête du pays. A cela s’ajoutait le cinquantenaire d’une même famille au pouvoir. Bien heureusement pour Ali Bongo Ondimba, Jean Ping n’était pas un profil rassurant pour l’ensemble, d’ici et d’ailleurs.
Voici 2023 qui pointe à l’horizon et rien de concret ne se fait. Or à quelques mois de l’échéance, le pays devait déjà vibrer au rythme des promotions diverses et variées en faveur du challenger. Hélas, il n’en n’est rien. Ce qui veut dire deux choses : (1) soit Ali Bongo Ondimba ne sera pas candidat.
Par conséquent ce qui se passe est tout à fait normal. (2) Soit ceux qui sont à la manœuvre pour son compte ne savent pas faire et là c’est l’échec total assuré.
On ne peut s’engager dans une telle bataille (1) sans bilan conséquent, (2) sans un personnel politique fiable et expérimenté, (3) sans des alliances politiques et diplomatiques en ébullition, (4) sans un budget en cours d’exécution, (5) sans une certaine accalmie dans le pays.
La multiplication des scandales ou des fronts sociaux montre bien que le financement en vue d’une campagne électorale n’existe pas. Sinon on s’empresserait de taire les révélations sur le fonctionnement obscure de la Gabon Oil Company (GOC) considérée à juste titre comme notre Elf des temps modernes. Toute cette impréparation est la porte royale vers une bérézina.
Dans ce schéma de pensées, il ne faut pas suivre l’opposition. Elle a le meilleur rôle. Celui d’attaquer, de critiquer et de vendre du rêve à qui veut l’entendre. Ne pas considérer le fait qu’elle perde des militants comme une saison de déchéance de son côté.
Cela peut bien signifier deux choses : (1) soit elle envoie des chevaux de Troie pour maitriser les manœuvres et autres stratégies du pouvoir, (2) soit ses démissionnaires font dans l’entrisme pour mieux détruire le pouvoir en place de l’intérieur.
Au regard de ce qui a été dit et dénoncé par les sortants entrants dans la majorité au pouvoir, quel serait l’intérêt pour ces gens de revenir paisiblement dans la maison PDG avec foi et convictions alors que les choses se sont visiblement empirées en termes de management politique?
Le pouvoir en place gagnerait donc à apprécier toutes les éventualités au risque de se retrouver dans une position difficile dans un temps devenu trop court. À chacun sa résidence.