Par Marthe Prisca
Le coup d’État du 30 août 2023 a suscité un enthousiasme sans précédent dans les cœurs des Gabonais, tous unis dans l’espoir d’un avenir rénové, libéré des chaînes d’une gouvernance qui leur semblait autrefois inflexible. Ce jour-là, des célébrations spontanées ont embrasé chaque région, chaque village, chaque quartier du Gabon, annonçant l’aube d’une ère nouvelle, celle du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI). Pourtant, à mesure que le temps s’écoule, cette liesse initiale cède place à des interrogations plus profondes, des doutes qui ébranlent certains Gabonais, notamment ceux résidant dans les régions reculées du pays, laissés en marge des bénéfices promis de ce renouveau.
L’enthousiasme, autrefois unanime, semble progressivement s’effriter, en particulier chez les habitants de Malinga, une localité de la Ngounié, qui s’estime cruellement négligée par le nouveau pouvoir. Dès l’avènement du CTRI, l’espoir s’est ravivé dans l’esprit des populations délaissées, mais force est de constater que certaines zones, parmi les plus isolées, peinent à ressentir les effets de ce changement.
Pour illustrer ce déséquilibre criant, il suffit de s’attarder sur les visites présidentielles, symboles de l’attention portée aux différentes contrées gabonaises. À deux reprises, lors de la première tournée officielle et dans le programme actuel de la visite présidentielle dans la Ngounié, aucune mention n’a été faite d’une rencontre avec les populations de Malinga. Cela est véritablement regrettable.
Malgré les attentes grandissantes, Malinga n’a jamais figuré sur l’itinéraire. Ni le Président ni la Première Dame n’ont daigné se rendre en cette terre pour s’imprégner des réalités quotidiennes de ses habitants, restés pourtant fidèles et pleins d’espoir en ce nouvel ordre.
Les habitants de Malinga, contraints de parcourir de longues distances jusqu’à Lebamba ou Mouila dans l’espoir de rencontrer leurs dirigeants, affrontent des routes périlleuses et prennent d’importants risques, parfois au péril de leur vie. Hélas, même ce sacrifice n’est pas toujours récompensé : souvent, ces citoyens sont éconduits, repartant avec l’amertume d’un espoir déçu. Une question essentielle s’impose : ces populations méritent-elles un tel traitement ? Leur existence est-elle vouée à dépendre du bon vouloir de localités jugées plus stratégiques ou plus développées ?
Le sentiment d’injustice qui se dégage est d’autant plus aigu que ce mépris apparent rappelle tristement les pratiques de l’ère Bongo, une époque que beaucoup espéraient révolue. Malgré le changement de régime, les habitants de Malinga n’ont pas encore perçu la différence qui devait caractériser cette nouvelle ère de transition. En dépit des promesses de réforme et de justice, ils se sentent relégués au rang de simples figurants dans un film où seuls les centres urbains et les régions plus développées captent la lumière de la caméra présidentielle.
Dans un pays aux vastes étendues, où chaque village, chaque communauté contribue à la richesse nationale, il semble inconcevable que des zones entières soient ainsi laissées pour compte. L’esprit de cette transition ne devrait-il pas embrasser l’ensemble de la nation, sans distinction ni privilèges ? Malinga mérite autant d’attention que toute autre localité. Ses habitants, tout comme ceux des grandes villes, aspirent à la reconnaissance et à la considération, dans une égalité qui honorerait les valeurs de la République.
À la suite de la tournée républicaine du président de la Transition dans la Ngounié, une vague d’indignation s’était constituée parmi de nombreux compatriotes qui s’étaient sentis exclus et oubliés, particulièrement dans les localités éloignées comme Malinga. Cette visite, initialement attendue comme un moment de communion et de rapprochement entre les dirigeants et les populations locales, a laissé un goût amer à ceux qui, privés de l’opportunité de rencontrer le président, ont ressenti un profond sentiment d’injustice. Pour ces Gabonais, cette exclusion symbolise un fossé entre le centre du pouvoir et les zones périphériques, une fracture que le renouveau promis par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) était pourtant censé réparer.
À l’heure du CTRI, il est crucial que chaque Gabonais se sente partie prenante de la construction de ce nouveau Gabon. Ignorer des localités comme Malinga, c’est non seulement éroder la promesse de renouveau, mais aussi perpétuer les inégalités géographiques qui, depuis des décennies, minent la cohésion nationale. Que les gouvernants prennent la mesure de cet enjeu fondamental, afin que le Gabon tout entier, des centres urbains aux villages les plus éloignés, avance uni vers un avenir réellement partagé.