Par Stive Roméo Makanga
Alors que l’envie de renouveau, consécutif au “coup de libération” intervenu le 30 août 2023 est encore perceptible, des attitudes équivoques et dommageables au sein de l’administration publique du pays, semblent venir saper cette belle perspective. C’est le cas pour la Direction Générale des Études et Laboratoires (DGEL), dirigée par Dr. Élise Mapemba, dont les actes de gestions, aux antipodes des espoirs formulés dès sa prise de fonction, exaspèrent plus d’un travailleur.
En effet, présentée comme un outil technique de contrôle analytique, avec la mission au niveau institutionnel de soutenir les activités menées par les autres entités du département ministériel des Mines et des Hydrocarbures, la DGEL accuse à la fois une profonde inertie de ses activités, mais aussi un état de délabrement fort avancé.
Nonobstant le compte d’affectation spécial, dont elle bénéficie depuis 2019, la DGEL cumule les tares. Insuffisance des équipements au sein des laboratoires, en plus d’être insuffisants, vieillissants et en panne; aucun projet de texte proposé en signature, conditions de travail désastreuses et risquées pour les agents ; traitement injuste des agents, absence de véhicules de terrain, retrait de la certification ISO 9001; informations financières verrouillées lorsqu’elles ne sont pas opaques, non distribution de la quote-part de fin d’année aux agents, pas de bains d’immersion et une pléthores de magouilles financières constituent aujourd’hui, le lot de récriminations formulées à la décharge de Dr. Élise Mapemba, la Directrice Générale.
DR. ÉLISE MAPEMBA : DERNIER REMPART DE LA YOUNG TEAM ?
Écrouée à la prison centrale de Libreville peu après la chute d’Ali Bongo Ondimba, le despote gabonais, la très ténébreuse “Young Team”, avec Noureddin Bongo Valentin comme chef de file, pourrait-elle avoir conservé quelques tentacules? La question est loin d’être anecdotique pour certains agents de la DGEL.
D’abord parce que Dr. Élise Mapemba arrive à la tête de cette Direction par cooptation d’Abdul Gafar Safiou, le neveu de l’imam Ismaël Oceni et bras séculier de la YoungTeam. Ce dernier, fortement critiqué pour sa gestion financière, a disposé d’une coquette enveloppe de près de 4 milliards de francs CFA, laquelle s’est volatilisée comme par magie.
Débarqué de son poste peu après le démantèlement du réseau mafieux de Noureddin Bongo Valentin, Gafar Safiou n’a jamais fait le bilan de sa gestion. Mieux, son successeur, Dr. Élise Mapemba laisse allègrement courir le mystère sur les actes de gestion de son prédécesseur sans jamais les exposer. Que cache cette posture?
OÙ VONT LES 10% DE LA RUR CONCÉDÉS À LA DGEL ?
En tant qu’outil technique de contrôle analytique, la DGEL perçoit chaque année une dotation de 10%, donc 1 milliard 500 millions de francs CFA sur les 37 milliards de francs CFA perçus au titre de la Redevance d’usure de la route (RUR). Une enveloppe allouée pour exercer l’une de ses missions : contrôler la qualité des carburants. C’est pourtant l’idée défendue à l’Assemblée nationale, et qui avait convaincu les parlementaires. Sauf que depuis 2 à 3 ans, ce budget fait l’objet d’une mauvaise gestion. Conséquemment, il résulte que la qualité des lubrifiants qui rentrent sur le territoire national n’est pas contrôlée.
“Les agents en fonction à la DGEL aujourd’hui sont ceux que la Young Team a positionnés. Cet argent était détourné en utilisant des entreprises pour lesquelles ils ont fait des engagements de plusieurs centaines de millions”, confie une source interne.
Au nombre des projets inscrits dans le calendrier des réalisations et que Dr. Élise Mapemba aurait dû exécuter, rattrapant ainsi le retard accumulé par son prédécesseur, figurent la construction des laboratoires, pour la somme globale de 600 millions de francs CFA et l’achat des ordinateurs, pour la coquette somme de 200 millions de francs CFA.
À ce jour, rien n’a été fait. Pourtant, les 10% de la RUR alloués chaque année à la DGEL sont bel et bien décaissés. Mais pour quel usage, si les agents sont dans l’incapacité de mener des opérations de terrain, faute de moyens roulant, alors que dame Mapemba dispose non seulement d’un véhicule de fonction, mais aussi d’un 4×4 double cabines partiellement reformé ?
“Les agents sont découragés. Comment pour des missions d’inspection ici à Libreville, on peut donner à quelqu’un 5000 francs CFA, voir 10.000 francs CFA ? Pour ne met-on pas à leur disposition des véhicules?”, s’interroge un agent.
DES NOMINATIONS TOUT AZIMUTS DU TEMPS DE LA YOUNG TEAM
Lors de l’arrestation des principaux acteurs de la Youg Team, plusieurs chefs d’accusations dont faux et usage de faux, malversations financières et falsifications de la signature du président de la République avaient été retenus contre les dangereux protagonistes. Il résulte de sources concordantes que Cyriaque Mvourandjiami, Ian Ghislain Ngoulou et les enfants Oceni s’étaient érigés en signataires des Décrets de nominations. Des prérogatives dont ils se sont visiblement servies, dans la perspective d’étendre leur cercle d’influence, ce en positionnant leurs obligés dans les administrations les plus juteuses. La nomination d’Abdul Gafar Safiou procède de ce schéma, et peut-être aussi celle de dame Mapemba, puisqu’ayant couvert depuis les dérives de gestion de son prédécesseur.
Outre cette dernière, nombreux sont ceux qui, au sein de la DGEL ont obtenus leurs nominations après insertion sans matricules soldes. Un capharnaüm indestructible, qui fait tout le bonheur de Noureddin Bongo Valentin et les siens, au-delà de leur incarcération puisque plusieurs entreprises agréées par ces derniers continuent tranquillement et loin des regards, leurs opérations avec la DGEL.
La DGEL fait face à des défis importants, et la Directrice Générale devra travailler à rétablir la confiance et à améliorer les conditions de travail, la transparence financière, et l’efficacité de l’institution. Et dans l’hypothèse que les récriminations sus-indiquées ne s’estompaient guère, les plus hautes autorités de la Transition devraient pouvoir couper les têtes de l’hydre qui tente désespérément de survivre.