Par Stive Roméo Makanga
N’en déplaise à la Communication présidentielle, elle aussi citée dans le cadre de la plus grosse affaire judiciaire dans l’histoire du Gabon, Sylvia Bongo Ondimba et Noureddin Bongo Valentin, bien qu’épouse et fils d’Ali Bongo Ondimba, le chef de l’État, sont des justiciables comme le Gabonais lambda et devrait, toute logique entendue, répondre devant la justice.
Par justiciables, il faut entendre, en clair, qu’ils peuvent être jugés par une juridiction adaptée, et dans le cas d’espèce, par la même Cour criminelle spéciale, qui a déjà auditionné Ike Ngouoni et Christian Patrichi Tanasa Mbadinga, dans le cadre de l’opération anti-corruption “Scorpion”.
Le contraire supposerait, en revanche, qu’ils sont au-dessus de la loi et que, malheureusement pour nous, la famille du président de la République est exemptée de tout. Ce qui est assez grave.
C’est le reproche formulé aujourd’hui à la Cour criminelle spéciale, qui laisse entrevoir qu’elle agit aux ordres du Palais présidentiel. Une compromission supposée, qui n’est pas sans écorner sa propre crédibilité.
Lors de son audition du 26 juillet dernier, l’ancien patron de la Gabon Oil Company (GOC) avait été on ne peut plus explicite.
Deux décaissements de 650 millions, soit un milliard et trois cent millions de francs CFA ont été décaissés en liquide, en soutien à la Fondation de la première dame.
Si ces assertions avaient été bottées en touche par l’organisme de Sylvia Bongo Ondimba, qui l’avait exprimé par un communiqué dont notre Rédaction avait obtenu copie, les révélations de Ike Ngouoni, preuves à l’appui, ont appuyé quant à elles les propos de Christian Patrichi Tanasa. Elles les ont confortées.
La publication de pièces comptables de la présidence de la République, avec les noms des bénéficiaires, ont enfoncé le clou.
Face à ses preuves matérielles, il eût été plausible que la Justice s’en saisisse, d’autant que les plus hautes autorités ont toujours affiché cette prétention (légitime, en outre) de mettre un terme aux actes supposés ou avérés de corruption.
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Depuis les révélations de ces hauts cadres et pas des moindres, de l’administration publique, l’appareil judiciaire s’est murée dans un silence qui fait aujourd’hui s’interroger l’opinion. Le chef de l’État, très attendu par les populations sur ces problématiques, qui ont depuis des décennies empêché le pays de se développer, est jusqu’ici silencieux, lui aussi.
Une situation qui commence à doucher les espoirs des Gabonais, précisément ceux-là qui becs et ongles continuent de croire en l’avenir, avec un Ali Bongo Ondimba toujours président.
La présidentielle de 2023 s’amorce ainsi de fort mauvaise manière pour le pouvoir, qui tente un troisième mandat. Mais pour quel but? Là est toute la question.
Il ne suffit pas simplement de vouloir une conservation du fauteuil présidentiel et de toutes les prérogatives inhérentes, mais plutôt et surtout, de donner des garanties d’un ajustement significatif en matière de gestion des affaires de l’État, d’une volonté de réparer les erreurs commises, et d’adopter des perspectives nouvelles, lesquelles permettraient une réelle amélioration des conditions de vies des populations.
Les auditions de la première dame et de l’ancien coordonnateur général des affaires présidentielles (CGAP) devant la Cour criminelle spéciale aurait été un signal fort, un réel tremplin pour le chef de l’État, qui aurait convaincu les populations sur le fait que ses discours ne sont pas que de vains slogans, mais plutôt une réelle volonté de tout changer.
Cela aurait donc constitué une chance de renouveau.
LA RÉPUBLIQUE GRAVEMENT COMPROMISE
Certes, ici comme en République française, le président de la République n’est pas un justiciable comme les autres. En revanche, les actes de leur parentèle peuvent jeter le discrédit sur la fonction exercée. C’est de cela qu’il s’agit.
Si Jill Biden ou Brigitte Macron avaient été citées dans des affaires aussi graves et salissantes, comme c’est le cas pour Sylvia Bongo Valentin, dans le cadre de l’opération anti-corruption Scorpion, il est certain que leurs époux respectifs se seraient adressés à leurs compatriotes, par devoir et obligation à la nation.
Les controverses suscitées par l’ouverture d’enquêtes judiciaires impliquant, même si supposément, l’épouse d’un chef d’État, ne sont pas des non événements comme tentent de le faire croire certains. Ils doivent être commentés et traités avec rigueur et impartialité.
Certes, l’on comprend toute la délicatesse de cette affaire, cependant, les gabonais ont besoin de se rassurer de la réelle volonté du président de la République de mettre de l’ordre partout; de punir partout, même s’il devait s’agir de son épouse. C’est la doxa, oui, mais le fait est que les illuminés gouvernent pour les non éclairés et ces derniers représentent la masse.
Le président de la République est la clé de voûte de toutes les institutions. Il est le chef suprême des armées et de la diplomatie, chef de l’exécutif, des pouvoirs partagés, de la magistrature…cet état de fait est loin de signifier que toutes les institutions sont sous ses ordres.
ci comme ailleurs, il devrait plutôt signifier qu’elles en sont totalement libres et indépendantes.
Le silence de la justice sur les cas Sylvia Bongo Ondimba et Noureddin Bongo Valentin choque et fait s’interroger les populations.
L’on a appris, de l’information qui a fuité après le dernier conseil des ministres, que le chef de l’État, Ali Bongo Ondimba, s’est indigné de l’immobilisme de son gouvernement, incapable de traduire en actions concrètes ses vœux pour les populations. Toute chose vraie.
Cependant, il devrait aussi s’indigner de ce que des détournements massifs aient été orchestrés par ses collaborateurs les plus proches, et que les implications de son épouse et sont fils soient clairement établies, dans ce grand scandale financier.