Pascal Cameron, 13 ans : le retour de la peur et la faillite du silence
Il y a des morts qui ne relèvent pas seulement du fait divers. Celle de Ngueba Loko Pascal Cameron, 13 ans, retrouvé sans vie le lundi 22 décembre dans le quartier Nzeng Ayong, appartient à cette catégorie de drames qui fissurent une société et exposent ses angles morts. Le Gabon s’est réveillé une fois de plus avec cette question brutale, presque obscène tant elle revient : comment un enfant peut-il disparaître ainsi, et pourquoi, à chaque fois, le pays semble condamné à l’impuissance et au mutisme ?
Cinq jours plus tôt, l’adolescent avait quitté le domicile familial pour une course ordinaire, chez un boutiquier du quartier, derrière l’Hôtel de la CAN. Un geste banal, de ceux qui rythment la vie des quartiers populaires. Il n’est jamais revenu. L’attente, puis l’angoisse, ont laissé place à l’insupportable : un corps retrouvé dans une fosse, une mort violente, et cette impression glaçante de déjà-vu. À peine prononcé, le nom de Pascal Cameron a fait resurgir d’autres prénoms, d’autres visages, notamment celui d’Esther, rappel cruel d’un passé que l’on croyait enfoui.
Ce drame ne tombe pas dans le vide. Il s’inscrit dans une histoire nationale faite de rumeurs persistantes, de soupçons lourds et de silences trop commodes. À chaque fois, le scénario se répète : une disparition, une découverte macabre, puis l’émotion, l’indignation, avant que le temps n’ensevelisse l’affaire. Jusqu’à la suivante. Le pays, choqué, oscille entre colère et résignation.
Sur les réseaux sociaux, la photo de Pascal Cameron est devenue un symbole. Celui d’une jeunesse exposée, vulnérable, et d’un État que beaucoup jugent absent. Les réactions sont sans nuance : « une vie de plus », « encore un enfant », « jusqu’à quand ? ». Derrière ces formules, une défiance grandissante s’exprime à l’égard des autorités, accusées d’indifférence, voire de laisser-faire. La répétition de ces crimes, souvent à l’approche ou à la suite de périodes électorales, alimente une inquiétude plus profonde : celle d’un cycle morbide que personne ne parvient – ou ne veut – briser.
« Ces pratiques ont déjà détruit trop de familles », lâche un proche, résumant un sentiment largement partagé. La question n’est plus seulement celle du crime, mais de sa récurrence. Pourquoi ces violences ciblent-elles toujours les plus vulnérables ? Pourquoi donnent-elles l’impression de surgir à des moments politiquement sensibles ? Et surtout, pourquoi les réponses tardent-elles, quand elles ne se perdent pas dans le brouillard des enquêtes sans suite ?
La mort de Pascal Cameron agit désormais comme un révélateur. Elle expose une société traversée par la peur et le soupçon, et un contrat social fragilisé. Ce n’est plus seulement la justice qui est attendue, mais un signal clair : que ces crimes ne soient pas tolérés, que leurs auteurs soient poursuivis sans considération de statut ou de réseau. « Peu importe qu’ils soient puissants ou anonymes », répète une opinion publique lasse des demi-mesures.
La parole de Barbassas, largement relayée, résume ce malaise moral : une société qui sacrifie l’innocence au nom d’ambitions obscures finit par perdre son âme. Derrière la formule biblique, c’est bien une question politique qui est posée : à quoi sert la réussite, individuelle ou collective, si elle se construit sur le renoncement à protéger les plus faibles ?
Le Gabon pleure aujourd’hui un enfant. Mais le deuil, s’il se limite à l’émotion, ne suffira pas. L’affaire Pascal Cameron appelle autre chose : des réponses, des actes, et la fin de ce silence qui, à force de se répéter, devient une responsabilité collective.



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