Édito. Ses aveux devant la Cour criminelle spécialisée continuent de retentir. En quelques jours seulement, Christian Patrichi Tanasa a fragilisé le pouvoir d’Ali Bongo Ondimba, désormais en très grande difficulté.
Par Stive Roméo Makanga
En 13 ans de magistère, la dépense publique culmine désormais à plus de 70% du PIB. L’inflation va crescendo et le modèle économique, social et politique promu par les intérimaires du Bord de mer plonge de plus en plus le pays dans le chaos. Et Christian Patrichi Tanasa a donné les raisons de cet enlisement, quasi-historique.
Ali Bongo Ondimba, en comparaison à ses prédécesseurs, est le président qui aura eu le plus d’opportunités. Mais il n’en a tiré aucun profit. Tous les voeux formulés à l’entame du scrutin de 2009, cumulés à ceux revisités puis prononcés en 2016, sont progressivement apparus comme des chimères.
Depuis sa prise de pouvoir forcée, d’abord au Parti démocratique gabonais (PDG), puis au Palais Rénovation et l’adoubement servile qui s’en est suivi, le président gabonais a fait tout le contraire de la thèse soutenue devant les populations, avec cet air de défiance envers ses contempteurs.
Aujourd’hui, les annonces médiatiques tambourinées à l’excès ayant passé l’épreuve du feu, l’incapacité d’Ali Bongo Ondimba à les traduire en actes concrets est loin d’être anecdotique.
Si certains ont longtemps suspecté les détournements de fonds, en lieu et place “d’erreur de casting” des collaborateurs tel que servi à l’opinion, ils ont désormais confirmation de leurs postulats. Toutes les pièces qui manquaient à leur puzzle sont au grand complet.
Les aveux de Christian Patrichi Tanasa Mbadinga, l’ancien patron de la Gabon Oil Company (GOC) devant la Cour criminelle spécialisée ont définitivement cloué ce qu’il reste encore du pouvoir d’Ali Bongo Ondimba, désormais en grande difficulté.
L’erreur du Casting des collaborateurs du chef de l’État, ventilée comme un mantra et souvent usitée pour blanchir le président de la République, a sauté comme une digue.
Ali Bongo Ondimba est bien l’auteur de tous les couacs observés au sommet de l’État et se départir de cette responsabilité, y trouver des échappatoires, serait peu crédible.
Devant les juges, Christian Patrichi Tanasa a évoqué un accord “mystérieux” passé entre la GOC, alors sous l’égide d’Arnaud Engandji Alandji, et la présidence de la République. La structure publique devait appuyer le Plan Stratégique Gabon Émergent (PSGE) d’Ali Bongo Ondimba. Mais sait-on seulement à combien de milliards? Impossible de le dire. Tout ce qu’on sait, c’est que la GOC s’est trouvée déficitaire de 42 milliards de francs CFA.
Les révélations de l’ex ADG de la GOC ont tout aussi incriminées Sylvia Bongo Ondimba, la première dame, et Noureddin Bongo Valentin, le fils d’Ali Bongo Ondimba. Des sommes versées en liquide, pour ne pas laisser de traces, ont transité de la GOC à la présidence de la République.
La parfaite illustration de détournements de deniers publics, tel que soupçonné par les gabonais longtemps lassés du retard de développement accusé dans le développement du pays, est enfin apparue au grand jour.
Christian Patrichi Tanasa a dit devant le juge qu’il n’avait pas le choix, qu’instructions lui avaient été données pour la série de décaissement des fonds.
Bien qu’étant le seul à détenir la signature autorisant un décaissement “sans limites” de l’argent public, il n’en demeure pas moins que l’ex patron de la GOC n’a été qu’une marionnette tenue d’exécuter les ordres, un point c’est tout.
Tout ceci, on imagine bien, jette le discrédit sur le pouvoir d’Ali Bongo Ondimba et le positionne comme seul responsable de ce scandale financier.
À quelques mois seulement de la présidentielle, les Gabonais sont on ne peut plus situés. Chacun a désormais la réponse aux nombreuses interrogations qui ont souvent prévalu. Le pouvoir s’engraisse, alors que les populations broient du noir, tirent le diable par la queue et ont du mal à boucler les fins de mois.
La Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) est en perte de vitesse, et la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) tourne au ralenti. Et que dire de la Post Bank et toutes ces structures de l’État mortes dans la plus triste des agonies?
Avec ces révélations, impossible que l’actuel locataire du Palais Rénovation obtienne la légitimité du peuple. Et, il faut d’ores et déjà l’entendre, le scrutin imminent sera à ce point si décisif qu’il faudra que le Pouvoir d’Ali Bongo se surpasse pour espérer subsister.
Rien ne sera facile. Le ciel est désormais d’airain et la famille politique du président gabonais l’a bien compris.
La traque des “BLA boys” est à l’image des sanctions européennes imposées à la Russie. Elle est probablement une erreur de stratégie prise dans la désinvolture qui a toujours caractérisé les .
Outre Patrichi Tanasa, Ike Ngouoni, Justin Ndoundangoye et Brice Laccruche Alihanga, auront aussi leurs grands moments de vérité. On imagine ce que seront leurs révélations. Probablement plus incisives que celles de leur “camarade”, expert en intelligence financière.