Par Stive Roméo Makanga
Le 25 novembre prochain, Max Anicet Koumba, le président du Rassemblement des Gaulois, un parti de la majorité, comparaîtra au Tribunal de Libreville pour ses propos controversés, par ailleurs jugé “tribalistes” par le gotha politique gabonais. Une action en justice incompréhensible, qui a tout d’une nouvelle diversion du gouvernement.
De son vivant, Protagoras d’Abdère, le chef de file des sophistes risqua sa vie à Athènes pour avoir douté des dieux. Un avis pourtant partagé par bon nombre de ses contemporains qui, à son opposé, n’osaient pas l’affirmer en public.
De même, en soutenant au Conseil national de la démocratie (CND), tout un symbole, le très controversé propos selon lequel les “panhoins” seraient la cause explicative du retard de développement accusé par le Gabon, Max Anicet Koumba n’a rien dit d’insolite. Bien au contraire.
Cet argument est en tous points similaire au “Tout sauf les fangs”, imputé (à tort ou à raison) à Guy Nzouba Ndama, assertion bien connue chez nous, très largement convenu dans une forme d’hypocrisie consensuelle et malicieusement nourrie par certains acteurs politiques, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition.
De quoi donc s’émeut-on? Le “Tout sauf les fangs” serait-il, de l’avis du Parti Démocratique Gabonais (PDG), du ministère de l’Intérieur et des différents acteurs qui s’en indignent, plus recevable que l’ “idiotie” du président des Gaulois ?
C’est pourquoi la fatwa de Lambert Noël Matha contre le Rassemblement des Gaulois paraît incongrue et révèle dans une moindre mesure, les limites de la liberté d’expression dans une société pourtant dite mondialisée, et dans une large mesure, l’hypocrisie qu’ont les plus hautes autorités du pays sur le tribalisme (manifeste par le repli identitaire), qui prend sans cesse de l’ampleur chez nous.
Depuis le temps, les signaux sont pourtant bien visibles. Le repli identitaire a gagné du terrain et les populations s’en sont allègrement accoutumées. Même les administrations publiques en sont gangrenées.
D’ailleurs, le procès intenté par Jonathan Ndoutoume Ngome et quelques acteurs politiques fangs contre Max Anicet Koumba appuie la thèse que le repli identitaire est loin d’être une anecdote chez nous puisqu’il s’agit là encore, pour ce cas spécifique, des actions portées par un groupuscule de fangs contre un non fang.
Cet activisme de ce proche de René Ndemezo’o Obiang est une méprise de plus, en plus de porter les gènes d’une instrumentalisation du gouvernement.
Et, cette hypothèse est davantage confortée par l’étonnante implication de Paskhal Nkoulou, dont on sait les convictions politiques instables, d’ordinaire motivées d’intérêts multiformes.
L’on aurait cru sincère l’indignation de ces protagonistes si elle avait été contre les récentes mesures gouvernementales (entre autre sujets), lesquelles “obligent” désormais les gabonais au vaccin anti-covid.
20.000 et 50.000 francs pour un test PCR où se faire vacciner, voici qui aurait pourtant pu indigner les “justiciers fangs”, pourfendeurs de la thèse du désormais mécréant Max Anicet Koumba.
Les sujets pour s’offusquer ne manquent pas.
De plus, Jonathan Ndoutoume Ngome est pourtant bien placé pour savoir que les propos de Max Anicet Koumba auraient pu faire l’objet d’un débat télévisé, excellent exercice démocratique au cours duquel plusieurs acteurs du microcosme politique gabonais auraient étayé leurs argumentaires.
Jonathan Ndoutoume Ngome et Paskhal Nkoulou sont-ils si incultes que cela, au point d’ignorer cet aspect?
Si ces derniers avaient de l’épaisseur, ils auraient appelé de leurs vœux à un débat sur le service public. Nous aurions eu (enfin) toute la substance de la réflexion de Max Anicet Koumba sur la question, et les populations auraient d’elles-mêmes jugé.
Le débat ne se situe pas dans les tribunaux, que les “justiciers fangs” l’entendent, une bonne fois pour toute.