Par Stive Roméo Makanga
À bâtons rompus, le ministre des Transports a devisé jeudi 18 juillet courant à l’immeuble dit Arambo, avec les principaux chefs de file de la coalition syndicale du ministère des Transports. À l’ordre du jour, l’exhumation des différents points de revendications contenus dans le cahier de charges antérieurement déposé au cabinet du membre du gouvernement. Pendant cinq heures, Loïc Ndinga Moudouma a échangé avec ces derniers sur les nombreux griefs à lui reprochés, notamment la prime du 4e trimestre due aux agents de la Direction générale des Transports Terrestres (DGTT).
À l’entame de son propos, le membre du gouvernement a rappelé aux grévistes l’exigence de lucidité, ainsi que l’absolue nécessité d’unité entre les fils et filles du Gabon, dans la résolution des conflits qui pourraient survenir entre les entités sous tutelle et l’administration centrale. De même, il a invité chacun à un exercice simple : formuler des faits concrets reprochés au Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), plus spécifiquement, dans le cadre de son département ministériel.
Outre quelques observations mineures relatives à l’absence sur le terrain du membre du gouvernement, afin de constater in situ et de visu les insuffisances longtemps décriées, la coalition syndicale a insisté sur le paiement de la prime. En réponse, le ministre a tenu à expliciter que le paiement de la prime n’incombe pas à son département ministériel. Il a précisé que la demande avait été faite au Trésor public et que, pour des raisons de tensions de trésorerie, celle-ci n’était pas encore disponible. Il en va de même pour la subvention annuelle de la Société Gabonaise de Transport (SOGATRA), dont le paiement n’est pas encore effectif. Le ministre a invité les syndicalistes à faire preuve de patience et à attendre que le Trésor public effectue les paiements. Loïc Ndinga Moudouma a également proposé un chronogramme de réunions entre la coalition syndicale et le ministère des Transports, avec l’implication des directeurs généraux de chaque entité sous tutelle. Il a aussi invité les syndicalistes à lever leur grève. Cependant, ces derniers ont refusé de lever leurs piquets de grève jusqu’à satisfaction de leurs principales revendications.
Conformément à la charte de la Transition, les mouvements de grève ont été mis de côté pour permettre au Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) de relever le pays. En décidant de ne pas suspendre leur grève et en mettant des scellés devant les bureaux, les syndicalistes se mettent volontairement dans le contexte d’une grève illégale.
UNE GREVE SOUS FOND DE MANIPULATIONS ?
De sources concordantes, l’inflexibilité des agents grévistes cacherait des intentions plus obscures, fignolées par des mains bien dissimulées. « Les meneurs de cette grève dissimulent un scandale, une affaire profonde qui pourrait bien les secouer », indique l’une d’entre elles. En examinant les états de paiements transmis et dont notre Rédaction a obtenu copie, il apparaît que le ministère a versé les primes des 1er, 2ème et 4ème trimestres 2023. De plus, les grévistes et les syndicalistes confirment que les primes du 1er trimestre 2024 ont également été payées. Cela soulève une question : où est passé l’argent des primes du 3ème trimestre ? Pourquoi les agents ont-ils accepté les primes des 1er, 2ème et 4ème trimestres 2023 sans réclamer celles du 3ème ? De plus, ils ont reçu les primes du 1er trimestre 2024 sans exiger celles du 3ème trimestre 2023. Pourquoi ont-ils attendu juillet, après le départ du centre d’édition des documents de transports, responsable du paiement des primes, pour réclamer les primes du 3ème trimestre 2023 ? Pourquoi les grévistes n’ont-ils jamais sollicité le ministre pour réclamer leur argent ?
« Il faut savoir que pour payer le 4ème trimestre, le ministre aurait catégoriquement refusé de signer l’autorisation d’un décaissement de 30 millions au bénéfice du directeur du centre d’édition de documents de transports dans les états de paiements du 3ème trimestre 2023, objet de la querelle. Ce refus de signer ce document autorisant le détournement de fonds publics aurait conduit les autorités de la direction générale des transports terrestres à décaisser en urgence le paiement des primes du 4ème trimestre. Était-ce donc pour camoufler le détournement des fonds du 3ème trimestre ? Une chose est sûre, c’est que cet argent a été détourné et que les meneurs de la grève refusent de confronter leur ancien bailleur de fonds, préférant mettre la pression sur le ministre pour couvrir ce vol en bande organisée, qui est le sport préféré des agents de ce ministère » confie une source bien introduite.
S’achemine-t-on vers l’ouverture d’une enquête pour l’exhumation des cadavres du ministère des Transports ? La parafiscalité ayant pris le dessus, Loïc Ndinga Moudouma arrivera-t-il à bout des mauvaises pratiques qui ont plombé ce département ministériel ? Pas si sûr, car nonobstant le temps pris pour la négociation jeudi 18 juillet dernier, les syndicalistes sont demeurés inflexibles sur leurs positions, se servant désormais des réseaux sociaux à des fins d’invectives et de diffamation. Nous y reviendrons.