Par Joseph Mundruma
Alors que le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, multiplie les appels en faveur de la nouvelle Constitution, la principale confédération syndicale de l’Éducation nationale, Dynamique Unitaire (DU), n’a pas été convaincue. Bien qu’elle soutienne la Transition et le Comité pour la Restauration des Institutions (CTRI), DU, par la voix de son président par intérim Roger Ondo Abessolo, appelle ses membres et sympathisants à voter « Non » lors du référendum du 16 novembre. Pour le syndicat, le projet constitutionnel trahit les promesses d’un renouveau démocratique et juridique et n’apporte aucune garantie quant à l’équilibre des pouvoirs, ce qui pourrait perpétuer les dérives de gouvernance.
Dynamique Unitaire dénonce ce qu’elle qualifie de « dérive autoritaire » dans le projet de Constitution, qui octroie au président des prérogatives jugées excessives, en contradiction avec les attentes de réforme et d’équité institutionnelle. Lors de la Constituante, Jean Rémi Yama, figure emblématique de DU, avait déjà rejeté l’avant-projet, estimant qu’il ne répondait pas aux aspirations d’un Gabon refondé. Aujourd’hui, la centrale syndicale réitère ses réserves en fustigeant l’absence de séparation des pouvoirs, une condition qu’elle considère indispensable pour asseoir la crédibilité et l’indépendance de la justice. « Nous espérions que la transition rétablirait l’indépendance de la justice et mettrait un terme aux abus d’un pouvoir sans contrepoids », a déclaré Roger Ondo Abessolo. Il ajoute que le texte actuel s’éloigne d’un idéal de justice sociale et politique en consacrant un « super-président », cumulant les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
DU s’alarme en particulier de l’article 62, qui permet au président de dissoudre l’Assemblée nationale sans offrir aux députés un moyen équivalent de contester sa légitimité. Elle déplore également le renforcement du rôle présidentiel dans l’exécutif, où, en tant que chef de l’État et du gouvernement, le président n’est aucunement responsable devant le Parlement. Une telle concentration des pouvoirs, selon elle, réintroduit un système autoritaire déguisé, dans lequel le président échappe à toute interpellation directe et ne peut être contraint par le Parlement à répondre de ses actes.
Les dispositions de l’article 81, qui stipulent que seuls le vice-président et les membres du gouvernement sont responsables devant le Parlement, renforcent encore les inquiétudes de DU. « Nous assistons à l’instauration d’un régime autocratique qui oblitère toute possibilité de censure ou de cohabitation, même en cas de victoire de l’opposition aux législatives », déplore Roger Ondo Abessolo. Pour DU, ce projet de Constitution réduit le rôle du Parlement au simple vote des lois, sans pouvoir réel de contrôle, et laisse le président de la République libre d’agir sans supervision.
Outre l’équilibre des pouvoirs, DU s’oppose à l’article 170, qui instaure une amnistie pour les événements s’étant déroulés entre la prise de pouvoir du CTRI et l’investiture du président de la Transition. Cette disposition suscite une vive controverse au sein de la centrale syndicale. « À qui profite cette amnistie ? Qui sont ces bénéficiaires ? » interroge Roger Ondo Abessolo, exprimant la crainte que cette clause ne devienne un moyen d’exonérer les anciens dignitaires du régime Bongo, encore nombreux dans les cercles de décision de la Transition. « Cette amnistie risque de permettre aux coupables de crimes humains, économiques ou financiers de se soustraire aux poursuites judiciaires, tournant le dos aux attentes de justice et de responsabilité », affirme-t-il.
DU se félicite du retrait de l’article 42, qui consacrait initialement les ressources naturelles du pays comme propriété exclusive de l’État. Elle aurait cependant souhaité que ce retrait soit renforcé en inscrivant les ressources naturelles comme appartenant aux communautés locales, selon les termes du préambule du projet. Pour Roger Ondo Abessolo, cette mesure aurait constitué une avancée sociale significative, offrant aux communautés locales des droits concrets sur les ressources de leurs terres et réduisant les risques d’exploitation abusive par des intérêts étrangers.
En l’état, DU considère que le projet de Constitution ouvre la porte à une exploitation incontrôlée des ressources naturelles, encourageant la persistance de contrats opaques et de pratiques de corruption. « En ne prévoyant aucun garde-fou, ce projet constitutionnel perpétue le pillage des richesses nationales, au mépris de l’intérêt des Gabonais », déclare Roger Ondo Abessolo, pour qui ce texte trahit les aspirations d’un peuple lassé des abus de pouvoir.
Face à ces enjeux, DU exhorte les citoyens à rejeter en masse le projet de Constitution lors du référendum. Elle appelle également à une concertation de tous les partisans du « Non » pour renforcer une alternative démocratique, rappelant que ce vote est une chance pour la Transition de rectifier son approche et de concrétiser les idéaux d’équité et de transparence. Pour Dynamique Unitaire, voter « Non » au référendum représente non seulement une opposition au projet actuel mais surtout une opportunité de rebâtir le Gabon sur des bases justes et durables, en rupture avec les pratiques qui ont jusqu’ici affaibli l’État et entaché le vivre-ensemble.
Référendum constitutionnel : Dynamique Unitaire appelle à voter “Non”
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