Au terme du deuxième jour d’audience, lundi 21 juin courant, sur l’Affaire relative au coup d’État manqué du 7 janvier 2019, on en sait désormais un peu plus sur les véritables raisons ayant conduit à l’éviction du lieutenant-colonel Frédéric Bongo de ses fonctions de directeur général des services spéciaux (DGSS) de la Garde présidentielle (GP).
L’on sait déjà que c’est à l’issue du Conseil des ministres du 15 octobre 2019, que le demi-frère d’Ali Bongo Ondimba a été muté à l’ambassade du Gabon en Afrique du Sud, en qualité d’attaché militaire. Une disgrâce pour le fils d’Omar Bongo Ondimba et d’Edmond Jacqueline Coq, qu’absolument tout obéissait au doigt et à l’œil.
Nonobstant ses liens très étroits au chef de l’État, le lieutenant colonel est remplacé à ce poste très stratégique par Brice Clotaire Oligui Nguéma, nommé par Brice Laccruche Alihanga.
Si beaucoup avait imaginé qu’il se tramait bien quelque chose de pas très net et que cette éviction intervenait pour éloigner le protagoniste du palais de bord de mer dans la perspective de détruire son influence, les vraies raisons de cette décision demeuraient obscures.
À l’audience, face aux juges, le lieutenant Kelly Ondo Obiang a été formel: “le 24 octobre 2018, suite à l’Accident vasculaire cérébral (AVC) du Président Ali Bongo Ondimba, le pays se retrouvait dans une instabilité. Et à cette période, j’étais commandant par intérim de la compagnie d’honneur de la Garde Républicaine (GR). À ce titre j’assistais à toutes les réunions de l’Etat major. J’avais donc plusieurs informations, je suivais également toute l’actualité politique de mon pays avec la violation de l’article 13 de notre Constitution. Une guerre de clan était née à la Présidence de la République, dirigée par le Directeur de service de renseignement. Sur le plan sécuritaire, il y avait la présence des mercenaires sur notre territoire et j’avais constaté un mouvement d’armes. Le Directeur de service de renseignements était devenu tout-puissant. Tout le monde avait désormais peur de lui.
Fort de ma formation, j’ai donc tiré les conclusions que le frère du Président voulait prendre le pouvoir. J’ai pris la responsabilité de lancer une contre-attaque. »
Renchérissant: “Quand j’ai reçu les informations que le directeur de renseignement avait donné l’ordre que je ne dois pas sortir vivant de la RTG, je m’étais donc isolé à côté du transformateur de la RTG. Et de ma position, je voyais tous les faits et gestes des groupes d’intervention. J’avais toujours mon M16 et plusieurs chargeurs pleins. Je pouvais endommager l’hélicoptère qui survolait à basse altitude. C’est aux environs de 12h que je me suis dévoilé auprès d’un capitaine de la Police. Puis j’ai été conduit à la Présidence de la République. J’ai trouvé que tous les hauts officiers étaient en réunion. Le Directeur de service de renseignement et ses gars m’ont conduit après dans une pièce isolée. J’étais attaché et torturé pendant plus d’une heure. Ils voulaient que j’attribue la paternité de mon action à Brice Laccruche Alihanga et à la coalition de l’opposition. Il m’a même proposé des milliards et un voyage à l’étranger avec ma famille si j’acceptais de faire une fausse déclaration. Malgré les sévices, j’ai toujours dit que mon initiative est personnelle. Il m’a montré une seringue avec du sang à l’intérieur, il m’a dit que ce sang est contaminé du VIH et qu’il va m’inoculer si je ne parle pas. C’est ainsi que le Procureur de la République Olivier Nzaou a fait irruption dans la salle où j’étais torturé. Et il a dit aux gars que le monde entier sait qu’il a été arrêté vivant. C’est à ce moment que j’étais conduit au B2.”
Des révélations qui font froid dans le dos, et qui permettent au demeurant de comprendre les évènements qui se sont succédés durant cette période.
Ainsi, le chef de l’État absent et le fauteuil présidentiel étant vide, le lieutenant colonel Frédéric Bongo aurait, si l’on en croit la source, projeté de prendre le pouvoir.
Des mercenaires, fusils d’assaut aux poings, attendaient les ordres du demi-frère d’Ali Bongo Ondimba.
Et que, pour dissimuler sa tentative ratée de prise du pouvoir, Frédéric Bongo aurait tenté de convaincre le lieutenant Kelly Ondo Obiang d’en attribuer la responsabilité à Brice Laccruche Alihanga (BLA), le directeur de Cabinet du chef de l’État.
Le pot aux roses découvert, l’on peut donc aisément comprendre que BLA ait résolu de d’émettre de ses fonctions de patron de la DGSS, Frédéric Bongo, au profit de Brice Clotaire Oligui Nguema.
Les révélations du lieutenant Kelly Ondo Obiang au cours de la 3e journée d’audience permettront assurément d’en apprendre un peu plus des évènements qui ont couvert cette période particulièrement sombre et pleine de mystères.
Stive Roméo Makanga
Révélations : les véritables raisons de l’éviction de Frédéric Bongo comme patron du renseignement (enfin) connues
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