Par Stive Roméo Makanga
Les récentes déclarations du général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la Transition, lors de sa tournée à Moanda, dans le Haut-Ogooué, continuent de choquer les populations. “Vous faites avec ce que je décide” et “La main qui demande est toujours en bas” : ces paroles frappantes résonnent avec l’écho inquiétant d’une autorité sans partage, d’un passé que beaucoup de Gabonais redoutaient, ce d’autant que le pouvoir est depuis le 30 août dernier entre les mains des militaires. Après plusieurs mois d’hésitation, il est impérieux aujourd’hui que chacun fasse la critique du CTRI, toutes proportions gardées. Les récentes déclarations du général président sont loin d’être des lapsus linguae. Bien au contraire, ces dernières révèlent à plus d’un égard la gouvernance actuelle et l’avenir politique du Gabon. Il est donc crucial de s’interroger.
En déclarant “Vous faites avec ce que je décide”, le général Oligui Nguema a adopté une posture de commandement sans compromis. C’est le moins que l’on puisse dire. Cette affirmation, énoncée avec une certaine solennité, renvoie à une vision centralisée et autoritaire du pouvoir, où les décisions se prennent en haut lieu sans consultation ni dialogue. En arborant une tenue militaire lors de ces déclarations, le général a renforcé cette image d’un pouvoir incontestable et imposé, une stratégie classique pour asseoir son autorité symboliquement.
Puis, les populations de l’arrière pays ont eu droit de façon crescendo à : “La main qui demande est toujours en bas”. Une autre déclaration qui mérite réflexion. Par ces mots assez brutaux, le général Brice Clotaire Oligui Nguema semble avoir rappelé à la population que l’État, sous sa direction, est la source ultime de toute aide. Mais il faut savoir que cette rhétorique paternaliste maintient une relation de dépendance entre le pouvoir et le peuple, où l’humilité et la soumission sont attendues en échange de tout soutien. Une telle approche renforce une dynamique de pouvoir vertical et hiérarchique, incompatible avec les idéaux démocratiques de participation et d’inclusion. Le général président devrait comprendre que jamais la main des Gabonais ne sera en bas, mais que l’État leur doit tout et devra travailler au bonheur de tous les enfants de la république. Il devra également comprendre qu’il n’est, en fin de compte, dans sa posture de président, qu’un serviteur qui devra agir dans l’intérêt de tous. C’est le principe du pacte social argumenté par Jean Jacques Rousseau, dans son oeuvre-culte intitulée “Du Contrat social”.
Une Transition en Péril
Depuis le coup d’État d’août 2023, le Gabon traverse une période de transition délicate. Les espoirs étaient grands pour une nouvelle ère de gouvernance participative et de réformes démocratiques. Cependant, les déclarations empilées du général Brice Clotaire Oligui Nguema jettent une ombre sur ces espoirs, et suggèrent désormais une continuité dans la centralisation du pouvoir. En imposant ses décisions sans dialogue, le général court le risque de reproduire les erreurs du passé, d’une part; et d’être un frein, en fin de compte, du développement démocratique tant attendu. C’est triste.
Force est de constater depuis quelques heures que les réactions aux propos du général ont été variées. Certains, lassés par des décennies de mauvaise gouvernance du clan-Bongo, voient en lui un leader fort capable d’apporter ordre et stabilité. Cependant, les défenseurs des droits humains et les partisans de la démocratie craignent un retour aux pratiques répressives. Sur la scène internationale, ces déclarations ont probablement sonné l’alarme et il ne faudrait pas en douter. La perception d’un glissement vers l’autoritarisme pourrait réduire les soutiens internationaux et dissuader les investissements étrangers. Ce qui aura pour conséquence d’impacter négativement l’économie gabonaise.
Le Gabon a besoin de dirigeants qui écoutent et consultent. Une gouvernance inclusive, fondée sur le dialogue et la participation, est essentielle pour le développement durable et la paix sociale. Le général président doit prouver qu’il peut dépasser la rhétorique autoritaire et s’engager dans des réformes pour renforcer les institutions démocratiques et c’est d’ailleurs son rôle.
N’ayons pas peur de le dire, les déclarations du général Oligui Nguema, bien que préoccupantes, offrent une opportunité de réflexion sur la nature du pouvoir au Gabon. Elles rappellent les défis de la transition démocratique et la nécessité d’un leadership participatif et transparent. Pour garantir une transition pacifique et prospère, le Gabon a besoin d’une gouvernance qui inspire et évolue en réponse aux aspirations de sa population. C’est pourquoi les propos brutaux du général sont inappropriés.
Le peuple gabonais mérite mieux qu’une gouvernance imposée ; il mérite un leadership qui écoute, qui engage et qui respecte les droits de tous. Brice Clotaire Oligui Nguema a l’opportunité de choisir cette voie et de marquer positivement l’histoire du Gabon. Le moment est venu pour lui de montrer qu’il peut être un leader non seulement fort, mais aussi juste et démocratique. C’est ici le reproche qui lui est fait, à raison. Aucun peuple n’a besoin d’être gouverné par un dictateur, fut-il pompeusement considéré comme “le libérateur”.