Par Stive Roméo Makanga
Le 25 juin 2024, c’est-à-dire la veille, lors du Conseil des Ministres, Richard Auguste Onouviet, ancien président de l’Assemblée nationale du Gabon et plusieurs fois ministre, a été nommé Président du Conseil d’Administration (PCA) de Maurel & Prom. À 75 ans, cette nomination de l’ancien fidèle d’Omar Bongo Ondimba par le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, n’a de cesse de susciter des réactions mitigées dans l’opinion. En effet, entre attentes de renouvellement de la classe politique et stratégies de continuité, cette décision mérite une analyse approfondie. Et nous nous y sommes exercés.
Affirmer qu’en cette période de Transition, le peuple gabonais espérait une rupture claire avec les pratiques du passé, incarnées par des figures emblématiques de l’ère Bongo, comme Richard Auguste Onouviet, est un doux euphémisme. Son retour sur le devant de la scène politique semble à première vue contredire les promesses de changement et de renouvellement de la classe politique, attentes fortement exprimées par la société civile gabonaise au président de la Transition, au lendemain de son coup d’Etat du 30 août 2023.
C’est peu de dire que les Gabonais aspiraient à voir émerger de nouveaux visages, porteurs de réformes et d’innovations nécessaires pour sortir le pays des crises économiques et sociales actuelles, exacerbées par la pléthore d’impérities allègrement cumulées par la « Young Team », et qui ont débouché, comme on pouvait l’imaginer, vers le chaos : le vide intersidéral de tout. En ramenant une figure aussi marquante du passé, Brice Clotaire Oligui Nguema pourrait sembler ignorer cet appel à la transformation. Est-ce le cas ? Tout converge vers cette thèse. Pour l’heure, il est clair que le « Grand » retour aux affaires (ou plutôt à la mangeoire) du richissime propriétaire du très excellent « hôtel le Refuge », à Lambaréné, suscite bien des interrogations sur la véritable volonté de changement du régime de la Transition.
En outre, il est également crucial de considérer la dimension stratégique de cette nomination. Il ne fait aucun doute que Richard Auguste Onouviet possède une influence politique indéniable dans le Moyen-Ogooué, une région clé pour la stabilité politique du Gabon. En s’appuyant sur son poids politique, Brice Clotaire Oligui Nguema pourrait chercher à renforcer son assise et à s’assurer du soutien d’une partie importante de l’échiquier politique gabonais. Dans le prolongement de cette idée, la récente excursion dite « républicaine » du général président dans cette partie de l’hinterland, est peut-être loin d’être anodine.
De plus, il serait intellectuellement malheureux de réfuter que l’expérience de Richard Auguste Onouviet dans la gestion des affaires pétrolières n’est pas négligeable. En le plaçant à la tête de Maurel & Prom, le président de la Transition pourrait espérer tirer parti de ses compétences pour améliorer la gestion des ressources pétrolières du pays. Dans un contexte où le secteur pétrolier demeure crucial pour notre économie, cette expertise pourrait s’avérer précieuse pour la relance économique de tout le pays. C’est un fait.
Mais il faut avouer que la nomination de Richard Auguste Onouviet divise. Si elle peut être perçue comme un signe de continuité et de réticence au changement par une population en quête de renouveau, elle peut aussi être vue comme une manœuvre stratégique qui aurait pour principal leitmotiv la stabilisation de la Transition, et peut-être aussi la capitalisation sur une expérience éprouvée dans le secteur pétrolier. Seul l’avenir nous dira si ce choix a été bénéfique pour le Gabon, ou plutôt pour les intérêts de quelques-uns. En attendant, le débat reste ouvert et la vigilance citoyenne est plus que jamais de mise.