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Edito : Adieu les partis politiques, place au tohu-bohu des associations instrumentalisées

Par Stive Roméo Makanga

Depuis l’arrivée au pouvoir des militaires le 30 août 2023, après le renversement d’Ali Bongo Ondimba, le paysage politique gabonais a été profondément transformé. Les partis politiques, jadis piliers du débat démocratique, semblent céder la place à une prolifération d’associations, toutes orientées vers un objectif commun : afficher leur soutien inconditionnel à Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la Transition. Cette mutation, loin d’être anodine, interroge sur les véritables intentions des putschistes et sur l’avenir de la démocratie au Gabon. Essayons d’en faire la critique !

Sous le régime d’Ali Bongo Ondimba, le système politique gabonais était structuré autour d’une bipolarité classique entre une majorité présidentielle, dominée par le Parti démocratique gabonais (PDG), et une opposition plus ou moins cohérente, mais toujours présente sur l’échiquier politique. Les partis politiques, bien que parfois critiqués pour leur manque de représentativité et leur tendance à privilégier des intérêts individuels, constituaient tout de même le socle des institutions démocratiques. Ils portaient les débats, cristallisaient les espoirs des populations et offraient une tribune pour exprimer les divergences d’opinions.

Cependant, depuis le coup d’État d’août 2023, cette dynamique a été bouleversée. La Transition, dirigée par les militaires, n’a de cesse de marginaliser les partis politiques. Ces derniers, désormais privés de leur influence, peinent à exister dans un contexte où les associations se multiplient à un rythme effréné, avec une finalité politique claire : soutenir le président de la Transition.

Dans ce nouveau contexte, les associations fleurissent par milliers. Qu’elles soient sportives, culturelles, ou prétendument apolitiques, toutes s’érigent en soutien indéfectible à Brice Clotaire Oligui Nguema. Ce phénomène est révélateur d’une instrumentalisation savamment orchestrée. Ces structures, souvent sans réel ancrage populaire, servent de relais pour véhiculer un message univoque : légitimer le pouvoir en place. Preuve en est de la marche organisée dans quelques provinces du Gabon le samedi 18 janvier.

Loin d’être une initiative spontanée de la société civile, cette stratégie semble pilotée par les tenants du pouvoir, les militaires eux-mêmes, qui ont compris l’importance de bâtir une image d’unité nationale autour du chef de la Transition. En marginalisant les partis politiques et en favorisant la création d’associations, ils cherchent à saper les fondements du débat démocratique tout en concentrant le discours politique sur une seule personne.

Cette instrumentalisation s’inscrit dans une logique de conservation du pouvoir. En affaiblissant les partis traditionnels et en contrôlant les associations, les militaires préparent ostensiblement le terrain pour la présidentielle de 2025. Loin d’être un processus transparent, cette échéance s’annonce comme une manœuvre visant à pérenniser l’emprise des putschistes sur l’appareil d’État.

Les associations, présentées comme le nouveau visage de l’engagement citoyen, jouent en réalité le rôle de faire-valoir. Elles permettent de diffuser un discours uniforme, tout en donnant l’illusion d’une adhésion populaire massive. Dans ce schéma, le pluralisme, pourtant essentiel à toute démocratie, est sacrifié sur l’autel d’une Transition qui semble plus préoccupée par sa survie que par l’instauration de réformes profondes et durables.

La présidentielle de 2025 est un tournant décisif pour le Gabon. Il faut préciser qu’elle représente une opportunité unique de reconstruire le contrat social et de restaurer la confiance des gabonais envers leurs institutions. Pourtant, si la dynamique actuelle se poursuit, cette échéance risque d’être détournée de son objectif premier. L’absence de partis politiques forts, capables de porter des projets alternatifs, compromet la tenue d’une élection véritablement démocratique.

En concentrant le pouvoir et le discours autour de Brice Clotaire Oligui Nguema, les militaires orientent déjà les termes du débat. Cette personnalisation du pouvoir, renforcée par une myriade d’associations sous influence, risque de priver les électeurs d’un véritable choix et de condamner le Gabon à reproduire les schémas d’exclusion et de monopolisation qui ont conduit au coup d’État de 2023.

L’émergence des associations en lieu et place des partis politiques est le symptôme d’un régime de Transition en quête de légitimité. Si ces structures permettent de canaliser temporairement le mécontentement populaire et de centraliser le discours politique, elles ne sauraient remplacer les mécanismes indispensables d’un véritable État démocratique.

Pour le Gabon, l’enjeu dépasse de loin la simple organisation de la présidentielle de 2025. Il s’agit de repenser les bases du système politique, de restaurer le pluralisme et de garantir l’expression de toutes les voix. Sans cela, la Transition risque de n’être qu’une parenthèse de plus dans l’histoire politique du pays, marquée par des espoirs déçus et une démocratie constamment remise en question. Mais le comprendrons-nous suffisamment ? Pas si sûr.

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