Gabon: Vous avez dit 5e République?
Par Stive Roméo Makanga
Le Gabon a officiellement amorcé son entrée dans la Cinquième République après le « coup de libération » du 30 août 2023, marquant la fin du régime Bongo. Ce tournant historique est renforcé par l’adoption de la nouvelle Constitution, le 19 décembre 2024, suite à l’implication d’une commission ad hoc pour rédiger le projet, un avis de l’Assemblée Constituante, et un référendum populaire réussi, le 16 novembre 2024, validant ce changement majeur. Un moment déterminant pour l’évolution politique du pays.
Le Gabon a officiellement basculé dans sa Cinquième République à la faveur de la promulgation d’une nouvelle Constitution le 19 décembre 2024, consécutive au « coup de liberté » du 30 août 2023, qui avait mis un terme à la longue hégémonie du clan Bongo. Cette refondation institutionnelle, qualifiée de « nouvelle ère », s’est matérialisée par une série d’étapes formelles, allant de la rédaction du texte par une commission ad hoc à son adoption en Conseil des ministres, puis à sa validation populaire lors d’un référendum le 16 novembre 2024. Si ce processus a été salué comme une première dans l’histoire constitutionnelle du pays, il suscite également de vifs débats sur l’ampleur réelle de la rupture.
Dès la désignation d’une commission ad hoc chargée de concevoir le projet de Constitution, les autorités de transition ont affiché leur volonté de rompre avec un modèle politique jugé trop concentrateur. Cette commission, composée de juristes, d’universitaires et de représentants de la société civile, a remis son rapport devant l’Assemblée Constituante issue du Parlement de la Transition. Telle une succession d’actes solennels, le projet a ensuite été entériné en Conseil des ministres avant d’être soumis à l’approbation de la population.
Le référendum du 16 novembre 2024, véritable moment de vérité démocratique, a enregistré un plébiscite sans précédent : plus de 78 % des votants ont approuvé le texte, selon les chiffres officiels. Une affluence record à l’urne, saluée comme un symbole fort de l’adhésion populaire à la refonte des institutions. Jamais auparavant, au Gabon, une réforme constitutionnelle n’avait bénéficié d’un tel soutien direct de la part des citoyens.
Pourtant, derrière l’euphorie initiale, un débat âpre s’est installé chez les spécialistes du droit et les observateurs politiques. Certains jugent que la nouvelle Constitution se contente de réajuster des mécanismes déjà existants sans véritablement encadrer les excès du pouvoir exécutif. « Nous assistons à une illusion constitutionnelle », tranche un juriste gabonais, estimant que la transformation reste avant tout rhétorique. Selon lui, l’instauration de la Cinquième République s’accompagne d’un maintien, sinon d’un renforcement, de pratiques centralisatrices héritées du régime précédent.
Des voix plus nuancées reconnaissent toutefois des avancées notables : la limitation du mandat présidentiel à deux termes de cinq ans, la création d’un Conseil économique, social et environnemental doté de prérogatives renforcées, ou encore l’intégration d’un chapitre consacré aux droits fondamentaux. Ces réformes, destinées à moderniser le cadre institutionnel, pourraient se révéler structurantes si elles sont effectivement mises en œuvre et respectées par les futurs gouvernants.
L’inquiétude porte aussi sur le contexte même de l’adoption : la transition, dirigée par les forces armées, n’a jamais été véritablement soumise à un adversaire politique capable de contester le contenu du texte. La récente élection présidentielle d’avril 2025, remportée par le Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, illustre cette continuité du pouvoir militaire vers le pouvoir civil. Certains analystes y voient une succession bien orchestrée plutôt qu’un changement profond.
Les partisans de la réforme rappellent cependant que la véritable mise à l’épreuve de la Cinquième République dépendra de sa mise en œuvre concrète. Ils soulignent que, pour l’instant, le nouveau cadre constitutionnel a déjà contribué à apaiser les tensions post‑coup d’État et à rassurer les partenaires internationaux du Gabon. La stabilité retrouvée et les perspectives de développement qu’elle ouvre sont perçues comme un atout majeur pour le pays.
À court terme, l’attention se portera sur les premières lois organiques à sortir des assemblées renouvelées, ainsi que sur la nomination des membres de la Cour constitutionnelle et du Conseil économique, social et environnemental. Les observateurs attendent également la publication de rapports indépendants sur le fonctionnement des nouvelles institutions, susceptibles de valider ou d’infirmer les craintes d’une « illusion constitutionnelle ».
En dépit des incertitudes, la Cinquième République gabonaise se retrouve désormais engagée sur la voie de la reconstruction institutionnelle. Votre prochaine élection législative et les premières décisions du gouvernement post‑transition constitueront les premiers indicateurs concrets de la portée de cette refondation. Si les promesses se traduisent en actes, le Gabon pourrait dessiner un modèle de transition apaisée et démocratique, inédit sur le continent ; à défaut, l’opinion publique et les experts risquent de renouveler leurs interrogations sur la sincérité et la profondeur du changement.
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