Brice Clotaire Oligui Nguema : une sortie soudaine pour rassurer après la perte des îlots disputés, mais rien sur l’exil doré de Sylvia Bongo et son fils
Par Stive Roméo Makanga
Il est des silences qui pèsent plus lourd que des paroles, et des déclarations qui sonnent comme un aveu. Depuis la décision cinglante de la Cour internationale de justice (CIJ) accordant les îlots de Mbanié, Cocotiers et Conga à la Guinée équatoriale, le Gabon est en pleine turbulence diplomatique et politique. Et pourtant, à ces vents contraires s’ajoute un autre chapitre, profondément troublant : l’exil doré de Sylvia Bongo Ondimba et de son fils, Noureddin Bongo Valentin.
Deux événements majeurs, deux poids, deux mesures. Dans une déclaration sobre, postée sur la page Facebook de la Présidence, Brice Clotaire Oligui Nguema a exhorté la population à faire preuve de retenue et à respecter le verdict de la CIJ, tout en promettant un compte rendu aux institutions nationales. Il a insisté sur la nécessité de préserver la paix régionale, tout en évoquant une coopération future avec Malabo. Une posture responsable ? Sans doute. Mais derrière cette rhétorique apaisante se cache une autre réalité : celle d’un silence assourdissant sur la libération et l’exil de Sylvia Bongo et de Noureddin, figures assez représentatives des dérives de l’ancien régime tenu de mains de fer par Ali Bongo Ondimba, renversé en août 2023.
Selon des sources diplomatiques, leur départ vers l’Angola aurait été orchestré dans les coulisses d’un accord entre Oligui et le président angolais João Lourenço, avec la bénédiction de l’Union africaine. Loin d’être une simple péripétie, cette affaire pose de sérieuses questions sur la ligne directrice du chef de l’Etat. Pourquoi cette discrétion ? Pourquoi ce contraste saisissant avec la gestion publique de la perte des îlots ?
Brice Clotaire Oligui Nguema, auréolé au début de son mandat de l’image d’un réformateur décidé à en finir avec les pratiques opaques du passé, semble ici jouer une partition plus ambiguë. D’un côté, il se pose en garant de la souveraineté nationale et du dialogue interétatique. De l’autre, il s’accommode d’arrangements confidentiels qui alimentent le sentiment d’un système où la justice reste une question d’opportunité politique.
Ce double discours risque de coûter cher. L’opinion publique, déjà échaudée par les revers sur la scène internationale, peine à comprendre pourquoi des figures centrales de l’ancien régime, inculpées pour des faits graves, quittent le pays en toute tranquillité. Comment concilier la promesse d’une lutte implacable contre la corruption avec de telles concessions ?
Le président Oligui doit savoir qu’une nation ne se gouverne pas uniquement avec des symboles et des discours apaisants. La perte des îlots est un coup dur pour l’image du Gabon, mais le manque de transparence dans les affaires internes pourrait s’avérer encore plus délétère. À vouloir éviter la confrontation, le chef de l’Etat prend le risque d’apparaître comme un gestionnaire de compromis plutôt que comme un homme de principes.
Il y a dans cette gestion différenciée des crises l’amorce d’un récit troublant : celui d’un pouvoir qui, au lieu de s’attaquer frontalement aux défis qui s’imposent, choisit ses batailles en fonction de ce qu’il juge politiquement rentable. Cette approche, si elle se confirme, pourrait bien devenir le talon d’Achille d’une gouvernance encore en quête de légitimité.
Ainsi, la question demeure : quelle vision pour le Gabon ? Et surtout, quelle place pour la vérité et la justice dans un pays qui aspire à tourner la page des errements passés ? En l’état, les promesses de transparence et de renouveau semblent bien fragiles face à la réalité des choix politiques. Pas étonnant que la déception soit généralisée.
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