Minerais critique : l’Europe supplantée
La ruée vers les minerais critiques – cobalt, lithium, terres rares – invite désormais l’Europe à se réinventer face à la concurrence acharnée de la Chine, des États-Unis, de l’Inde… Elle a formalisé, en juin 2025, une enveloppe de 5,5 milliards d’euros pour sécuriser ses approvisionnements et pousser les États africains à prioriser ses marchés .
Pour l’Afrique, cette géopolitique est une aubaine : un vrai défi de souveraineté. En janvier 2025, un rapport d’APRI dénonce des accords peu transparents entre pays africains et puissances étrangères. Or la demande explose. L’Afrique détient environ 30 % des réserves mondiales de minéraux critiques, mais l’essentiel de la valeur est encore captée en aval ailleurs.
État des lieux national : dispositifs et politiques africaines
Plusieurs États africains ont déjà enclenché une transformation de leurs politiques minières :
RDC et Zambie: interdiction d’exporter du minerai brut et début d’industrialisation autour des batteries.
Maroc: stratégie de ZES et intégration industrielle en direction des investisseurs européens et asiatiques.
Ces initiatives démontrent une volonté claire : capter la valeur ajoutée en amont, au cœur de la chaîne.
Diversification et cadre réglementaire
Le Gabon, longtemps dépendant du manganèse, a amorcé en 2023 une diversification notable :
Production de fer à Bélinga par Ivindo Iron (État 10 %, Fortescue 72 %) .
Relance de l’orpaillage artisanal après une suspension (2018–2023) et création d’une raffinerie à Nkok.
Sur un plan institutionnel, des décrets de 2024 renforcent la régulation :
➤ Création d’une Direction Générale de la Géologie et Support Minier ;
➤ Définition d’un régime pour les « Substances souveraines » (or, terres rares, uranium) ([Gabon Actu][7]) ;
➤ Mise en place d’un Observatoire National des Risques Miniers ([Gabon Actu][7]).
Local content et transformation
Le Gabon met en place un modèle de contenu local et valorisation :
COMILOG (Eramet) dispose depuis 2015 d’un complexe métallurgique à Moanda, produisant SiMn et EMM .
Nouvelle Gabon Mining, coentreprise indo-gabonaise, exploite et valorise le manganèse à Franceville depuis 2017.
Le gouvernement impose depuis 2025 des quotas et réforme son code minier (2019 → révision) pour renforcer sa part dans la production et la régulation ([Gabon Media Time][10]).
Infrastructure & financement
Les efforts d’infrastructures sont visibles : modernisation de la voie ferrée (Setrag), projet de ports à Libreville, Mayumba et Port-Gentil, corridor Bélinga–Moanda.
Le Gabon investit dans la gouvernance via l’ITIE et une meilleure structuration de ses instances minières .
Attractivité à consolider
Le Gabon reste mal positionné en Afrique : 23ᵉ sur 25 pour son attrait minier ([Gabon Media Time][11]). Les freins ? Procédures lourdes, instabilité fiscale, infrastructures insuffisantes.
Mise en œuvre
Une vision ambitieuse, oui, mais sans compétences techniques, ni marchés locaux suffisants, les projets risquent d’en rester au niveau de l’intention ([TOP INFOS GABON][5]). La gouvernance doit encore évoluer pour concilier souveraineté et attractivité.
Rivals diplomatiques
France/Eramet conserve une position stratégique, via Comilog, mais devra composer avec une montée d’un discours nationaliste en Gabon ([Le Monde.fr][12]).
Chine, Inde, États-Unis, UE : tous sont présents ou en embuscade. Le Gabon aspire à diversifier ses partenaires.
L’Europe, en retard ?
L’Europe joue une stratégie tardive face à la Chine et aux États-Unis, trop peu visible, trop peu proactive. Les États africains, et le Gabon en tête, avancent, en creux, vers plus de maîtrise des chaînes de valeur. Mais leur route est semée d’embûches : infrastructure, compétences, confiance des investisseurs.
Le Gabon a posé les jalons réglementaires (direction minière, substances souveraines, observatoire des risques), lancé sa diversification et engagé la transformation locale. Le défi principal reste désormais la mise en œuvre : logistique, expertise, financement à échelle continentale – via des initiatives comme les ZES – ainsi qu’un équilibre subtil entre souveraineté économique et attractivité globale ([The Conversation][4]).
Si Libreville parvient à transformer ses minerais et ses institutions sans effrayer les investisseurs, l’Europe – mais aussi le monde – devront compter sur ce nouvel acteur minier. Sans quoi, l’Europe sera définitivement supplantée dans la course aux matières premières critiques.
Laisser un commentaire