Pêche illicite, non réglementée : la Chine en première ligne
Par Stive Roméo Makanga
Les eaux africaines, et plus particulièrement celles de l’Afrique de l’Ouest, sont de plus en plus pillées par des flottes étrangères, souvent au mépris des règles internationales. Parmi elles, les navires chinois sont aujourd’hui les principaux acteurs de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU) dans la région.
Selon le plus récent IUU Fishing Index, la flotte chinoise est la plus impliquée dans des activités illégales de pêche au monde, dépassant largement les flottes russes, taïwanaises ou sud-coréennes. Dans le Golfe de Guinée, cette présence massive se fait sentir selon un rapport du Financial Transparency Coalition : un tiers des navires impliqués dans l’IUU en Afrique appartiennent à des entités chinoises, parmi lesquelles des groupes comme Pingtan Marine Enterprise et China National Overseas Fisheries.
L’IUU chinois contribue au déclin des stocks halieutiques, menaçant la sécurité alimentaire des communautés locales : le Ghana et la Côte d’Ivoire, entre autres, subissent une diminution dramatique des pêches artisanales, estimée à plus de 50 % ces dernières décennies. Ces pratiques entraînent aussi une perte financière considérable : jusqu’à 11 milliards de dollars par an en Afrique.
Dans certains cas, les pratiques vont au-delà de l’IUU : falsification des registres, pêche illégale avec filets interdits, détournements de catch et même recours à des flags de complaisance pour masquer la véritable nationalité des navires.
De plus, les conditions sur certains navires sont également pointées du doigt : violation des droits humains, recours au travail forcé et exploitation de marins vulnérables, avec des rapports sur des milliers de travailleurs confrontés à des conditions proches de l’esclavage.
Face à ces dérives, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ont déjà suspendu ou saisi des navires de pêche chinois : au Ghana, des licences ont été retirées à des chalutiers faisant l’objet de pratiques illicites ces derniers mois. Au Gabon, un memorandum d’entente avec Global Fishing Watch, signé en juin 2025, vise à renforcer les capacités de surveillance grâce aux données satellitaires, l’analyse des transbordements, le suivi des zones marines protégées et l’implémentation de l’Accord des mesures prises par les États du port.
En définitive, la Chine, avec sa flotte de pêche lointaine la plus importante au monde, est identifiée comme le principal auteur des activités de pêche illicite en Afrique. L’ampleur des pertes économiques, la dégradation des stocks marins, les atteintes aux droits humains et les risques pour la souveraineté alimentaire font de ce problème une priorité stratégique pour les États africains. Parmi les solutions retenues : une coopération internationale renforcée, la transparence des données, l’application stricte des régulations et des sanctions ciblées contre les opérateurs fautifs.
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