Lettre à mes oncles, tantes, frères et sœurs du village AVANG
Après les élections, que demeure la famille
Par Francis Edgard SIMA MBA, fils du village AVANG, à 36 km de Medouneu, dans le Haut-Como.
Quand les tambours se taisent, il faut que les cœurs s’écoutent.
Mes oncles, mes tantes, mes frères et mes sœurs,
Je viens à vous non pas avec les habits du tribun, mais avec les sandales du fils. Le fils du village. Le fils de cette terre rouge d’AVANG, façonné par vos histoires, bercé par vos silences, nourri par vos sacrifices.
Le 27 septembre est passé. Les affiches fanent sur les murs. Les micros se sont tus. Les cortèges sont rentrés chez eux. La poussière est retombée sur les chemins. Mais dans les cœurs, je sens encore le bruit. Un bruit plus profond que les slogans : le bruit des blessures.
Oui, les élections sont derrière nous. Mais que reste-t-il devant ? Que reste-t-il entre nous ?
La famille. Le sang. L’unité. Ou le gouffre.
Le sable des urnes ne doit pas ensevelir le nom de nos ancêtres
Pendant la campagne, chacun a pris son camp. C’est normal. C’est sain. La politique, c’est le débat, c’est la conviction. Mais certains ont confondu la lutte des idées avec la guerre des clans.
Des mots ont été lancés comme des pierres. Des regards sont devenus froids comme la nuit. Des bras se sont repliés, là où avant ils s’ouvraient.
Et je vous le dis franchement : j’ai eu mal. Non pas pour moi, mais pour nous. Pour le nom que nous portons ensemble. Pour ceux qui ne sont plus là, et dont la mémoire mérite mieux que nos querelles.
On ne crache pas sur la marmite qui nous a nourris, dit-on au Sénégal.
La politique, chers parents, passe comme passent les saisons. Mais le lien du sang, lui, traverse les générations.
On peut changer de parti, mais on ne change pas de famille.
Alors dites-moi : comment en sommes-nous arrivés là ?
Pourquoi certains ont-ils voulu faire de la politique un champ de ruines, au lieu d’en faire un espace de construction collective ?
« Quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre », dit un proverbe du Mali.
Chez nous, ce ne sont pas que les herbes qui ont souffert : ce sont les racines. Et les racines, c’est la famille.
Ce que je vous tends, ce n’est pas un discours. C’est une main.
Une main pour relever. Une main pour réconcilier. Une main pour reprendre le travail de bâtisseur.
Car à quoi sert de gagner une élection si l’on perd son frère ? À quoi sert de défendre une liste si l’on brûle le nom que nous partageons tous ?
Le proverbe béninois dit : « L’arbre ne rejette pas la racine parce qu’elle est dans la terre. »
Nous sommes ces racines. Ce village est notre tronc. Nos enfants sont les fruits.
Ce que je propose, c’est simple. Revenons à l’essentiel. Reprenons la parole. Organisons une rencontre, une veillée, une palabre, un moment à l’africaine, sans micro ni caméra, juste avec le cœur.
Un espace pour se dire les choses, se pardonner, et se retrouver.
Car « seul on va vite, mais ensemble on va plus loin », nous rappelle la sagesse ivoirienne. Et nous, peuple d’AVANG, nous voulons aller loin. Pas chacun dans sa barque. Mais tous dans la même pirogue.
La politique ne doit pas devenir la machette qui coupe le lien du sang
Mes aînés, mes parents, mes compagnons de route,
Les vrais ennemis ne sont pas ceux d’en face : ce sont l’orgueil, l’égoïsme, l’oubli des valeurs.
La politique, c’est un passage. La famille, c’est la demeure. Et quand on dort sous le même toit, on ne joue pas avec le feu. Car quand la case brûle, la fumée ne choisit pas ses narines.
« Quand les racines sont profondes, il n’y a pas à craindre le vent » (proverbe camerounais).
Alors enracinons-nous. Dans l’amour. Dans l’humilité. Dans la continuité.
Je vous écris avec la foi du fils, et la voix du village
Je crois encore en nous. Je crois que les paroles peuvent guérir. Que les bras peuvent se réouvrir. Que les chants peuvent reprendre.
Mais cela ne viendra pas des discours. Cela viendra de nos actes.
De notre capacité à nous asseoir. À nous écouter. À nous relever. Ensemble.
AVANG ne doit pas être un champ de ruines électorales.
AVANG doit rester un socle, une famille, une mémoire vivante.
Pour nos anciens, pour nos enfants. Pour l’honneur de notre nom.
Avec respect, avec amour, avec responsabilité,
Francis Edgard SIMA MBA
Fils du village AVANG
(36 km du centre de Medouneu, dans le Haut-Como)
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