Gouvernance : le Gabon engagé dans le mécanisme d’examen de la Convention des Nations Unies contre la corruption
Par Stive Roméo Makanga
Adoptée en 2003, la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) demeure le principal instrument juridique international de lutte contre la corruption. Dans le cadre du deuxième cycle du mécanisme d’examen de l’application de cette convention, le Gabon s’apprête à être évalué par le Tchad et la Libye, deux États parties désignés pour conduire cet exercice d’évaluation par les pairs.
Ce processus, supervisé par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), vise à apprécier les efforts consentis par les États dans la mise en œuvre des dispositions de la Convention, à identifier les succès, à relever les difficultés rencontrées et à déterminer les besoins d’assistance technique.
« L’objectif de cet examen est d’aider les États parties à appliquer la convention en déterminant les succès et bonnes pratiques, les difficultés d’application et les besoins d’assistance technique pour chaque disposition », a expliqué Séraphin Ondoumba, point focal du Gabon près l’ONUDC et expert gouvernemental. Avant de préciser :
« Les différentes phases de l’examen pays sont : l’auto-évaluation, l’examen par les pairs, la rédaction du rapport pays et du résumé analytique. Pendant la phase d’auto-évaluation, l’ONUDC informe l’État partie concerné, qui désigne un point focal à travers la Commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite (CNLCEI). Ce point focal est chargé de coordonner la participation du pays au processus d’examen et de renseigner la liste de contrôle en collaboration avec les experts sectoriels. »

Seraphin Ondoumba, lors de notre entretien
Une évaluation axée sur la prévention et le recouvrement d’avoirs
Le Gabon sera évalué sur deux volets majeurs de la Convention :
1) Les mesures préventives (chapitre II), qui concernent la transparence, la probité et la bonne gouvernance ;
2) Le recouvrement d’avoirs (chapitre V), pilier fondamental du dispositif international de restitution des biens acquis illicitement.
Dans le cadre de cette évaluation, le Gabon a opté pour la visite pays. « Après la transmission de la liste de contrôle dûment remplie au secrétariat de l’ONUDC, celui-ci examine le document avec les experts choisis, puis communique la date du dialogue direct. Nous avions la possibilité d’organiser une réunion conjointe à Vienne, mais le Gabon, par l’entremise de la CNLCEI, a préféré la visite pays. L’avantage de cette option est qu’elle permet de mobiliser un grand nombre d’experts nationaux afin d’enrichir les échanges et les rapports », a indiqué Séraphin Ondoumba.
À l’issue de cette phase, une rencontre entre les experts examinateurs et la société civile est prévue. « Cette étape, a-t-il ajouté, se déroule sans la participation du point focal ni des experts sectoriels, afin de garantir l’indépendance des échanges. »
De l’examen à la validation du rapport final
La troisième phase du mécanisme consiste en la rédaction du rapport d’examen pays et de son résumé analytique, documents élaborés par les examinateurs avec l’appui de l’ONUDC. En cas de désaccord, un dialogue est ouvert entre les examinateurs et le point focal afin de parvenir à un rapport final consensuel, publié uniquement avec l’accord des plus hautes autorités nationales.
Selon les prévisions, le Gabon tiendra son examen pays au plus tard en juin 2026. En préparation, la CNLCEI, sous l’autorité de son président Nestor Mbou, a adressé des correspondances aux secrétaires généraux des administrations centrales afin de faciliter la mise à disposition d’un cadre de travail pour la collecte des données nécessaires au remplissage du questionnaire transmis par le secrétariat de l’ONUDC.
Un processus relancé grâce à une volonté politique renouvelée
Le point focal du Gabon auprès de l’ONUDC a également rappelé les raisons du retard pris dans la mise en œuvre de ce second cycle. « Les questions de lutte contre la corruption sont guidées par la volonté politique. Nous avons réalisé le premier cycle en 2015, et le second devait suivre en 2021. Cependant, plusieurs facteurs ont freiné le processus, notamment la pandémie de COVID-19 et la création du ministère de la Lutte contre la corruption, qui avait institué une direction aux prérogatives similaires à celles de la CNLCEI. Ce conflit d’intérêts nous a conduits à saisir la Cour constitutionnelle, qui nous a donné raison. »
Il a ajouté : « Grâce à l’arrivée des nouvelles autorités, cette décision de justice a enfin été appliquée. Le ministère et la direction ont été supprimés, permettant à la CNLCEI de retrouver sa pleine compétence. Nous remercions les autorités de la Transition pour ce geste fort, symbole de respect de la légalité et de restauration de l’autorité institutionnelle. »
Ce mécanisme d’examen, non intrusif et non punitif, s’inscrit dans une dynamique de renforcement de la gouvernance publique. Il vise non seulement à évaluer les avancées du Gabon dans la mise en œuvre de la CNUCC, mais aussi à favoriser la coopération internationale, la transparence et le partage d’expériences.
À terme, le processus permettra d’améliorer la cohérence des politiques publiques de prévention de la corruption, de renforcer les capacités institutionnelles et de consolider la confiance entre l’État et les citoyens.
En somme, l’engagement du Gabon dans ce mécanisme d’examen constitue une opportunité stratégique de transformation : celle de bâtir une gouvernance intègre, responsable et conforme aux standards internationaux de transparence.



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