Sécurité du golfe de Guinée : Libreville et Paris renouent avec la realpolitik
Par Joseph Moundruma
À Libreville, la diplomatie se joue désormais à plusieurs voix, mais une chose demeure : la France n’entend pas céder facilement sa place dans le dispositif stratégique de l’Afrique centrale. La rencontre, le 2 octobre dernier, entre le président Brice Clotaire Oligui Nguema et l’ambassadeur de France, Fabrice Mauriès, l’a confirmé. Si le ton est désormais celui d’un « partenariat renouvelé », le fond, lui, reste celui d’une coopération militaire et sécuritaire d’une importance capitale, notamment dans la surveillance du golfe de Guinée.
À l’heure où les discours anti-français gagnent du terrain sur le continent, le Gabon choisit une posture singulière : ni rupture, ni soumission, mais une coopération ajustée à ses priorités souveraines. L’annonce de la prochaine escale, au port d’Owendo, d’un bataillon de la Marine nationale française en est la preuve tangible. Paris, conscient de la recomposition des influences en Afrique, veut continuer d’accompagner Libreville sur le terrain de la sécurité maritime, un enjeu vital pour l’économie régionale.
Le golfe de Guinée, corridor énergétique et commercial stratégique, concentre encore aujourd’hui l’une des plus fortes activités de piraterie au monde. Or, depuis plusieurs années, la Marine française, à travers son dispositif Corymbe, patrouille régulièrement les eaux gabonaises. Elle assure ainsi une présence dissuasive et forme, en partenariat avec la Marine gabonaise, de jeunes officiers et techniciens aux manœuvres navales modernes.
Cette coopération, loin d’être unilatérale, s’inscrit dans une logique gagnant-gagnant : la France préserve ses intérêts maritimes et ses routes commerciales, tandis que le Gabon bénéficie d’un appui technique et logistique considérable pour la surveillance de ses côtes, la lutte contre la pêche illégale et la sécurisation de ses installations pétrolières offshore.
De la diplomatie militaire à la convergence des intérêts
Si la relation franco-gabonaise a souvent souffert d’un déséquilibre historique, elle semble aujourd’hui amorcer une mue. L’ambassadeur Fabrice Mauriès l’a résumé avec justesse : les autorités françaises et les entreprises hexagonales entendent « accompagner la mise en œuvre du projet de société porté par le président Oligui Nguema ». Ce message, en apparence diplomatique, traduit un pragmatisme nouveau. Paris s’adapte à la transition politique gabonaise, tout en veillant à préserver ses leviers d’influence.
Le chef de l’État gabonais, de son côté, assume pleinement cette ouverture à géométrie variable : à la France pour la sécurité maritime et la coopération technique, au Japon pour le développement durable et les infrastructures, à la Turquie et à la Chine pour les grands projets industriels. En recevant successivement Fabrice Mauriès et Shuji Noguchi, Brice Clotaire Oligui Nguema a donné le ton : le Gabon veut parler à tout le monde, mais à ses conditions.
La sécurité du golfe de Guinée : un défi partagé
L’intérêt de Paris pour le golfe de Guinée dépasse la seule géopolitique. La stabilité de cette zone conditionne la sécurité énergétique de l’Europe, la libre circulation des marchandises et la lutte contre les trafics en tout genre. C’est pourquoi la France investit depuis plusieurs années dans la formation des forces navales gabonaises, le partage de renseignements et la mise à disposition d’équipements modernes.
Pour Libreville, l’enjeu est double : affirmer sa souveraineté sur ses eaux territoriales et renforcer sa position de leader régional dans la coopération maritime. Dans un contexte où la criminalité transfrontalière menace les économies du golfe, l’alliance franco-gabonaise apparaît comme un pilier de stabilité.
Un partenariat rééquilibré mais indispensable
Le temps du paternalisme diplomatique semble révolu. Celui des alliances d’intérêt s’ouvre. La coopération militaire entre la France et le Gabon, notamment dans le domaine maritime, illustre cette transition. Elle est moins fondée sur l’assistance que sur la convergence : la France apporte son expertise, le Gabon sa position stratégique et sa volonté politique.
À l’heure où les vents d’Est et d’Asie soufflent sur le continent, la France, lucide, choisit la continuité. Et le Gabon, pragmatique, choisit l’équilibre. Entre la fidélité historique et la diversification diplomatique, Libreville trace sa propre route, au milieu des courants du golfe de Guinée.



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