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Blanchiment et détournement de fonds publics de haute voltige : Sylvia Bongo Ondimba et Noureddin Bongo Valentin sous pression en Suisse

Par Stive Roméo Makanga

Depuis l’avènement du « coup de la Libération » du 30 août 2023, qui a mis fin à la domination du clan Bongo, les nouvelles autorités gabonaises ont lancé une série d’opérations visant à recenser et à récupérer au nom et pour la République du Gabon les fonds détournés par Sylvia Bongo Ondimba et son fils, Noureddin Bongo Valentin, ainsi que les biens immobiliers acquis avec l’argent public. Ces opérations, soigneusement orchestrées, sont conduites tant au Gabon qu’à l’international, avec pour ambition la restitution des fonds aux citoyens gabonais.

Face à cette offensive judiciaire au Gabon comme à l’étranger, les avocats de Sylvia et Noureddin Bongo ont récemment entamé une riposte médiatique dans la presse étrangère, en contestant certaines allégations et en dénonçant un « procès politisé ». Ils cherchent à gagner l’opinion internationale, en décrivant les poursuites comme un « spectacle » plutôt que le fruit d’une enquête rigoureuse menée par des procureurs nationaux et plusieurs procureurs internationaux.

Selon une source digne de foi, les autorités compétentes ont engagé depuis la chute du régime Bongo des investigations approfondies pour tracer les avoirs dissimulés. Il s’agit notamment de fonds publics envoyés notamment aux États-Unis, en Suisse, à Londres, à Hong-Kong et dans plusieurs paradis fiscaux, ainsi que de biens immobiliers acquis en Europe ou au Gabon. Le travail s’avère laborieux, car il nécessite la coordination de multiples institutions et la collaboration des États concernés.

La tâche s’avère d’autant plus ardue que Sylvia Bongo Ondimba et son fils Noureddin Bongo Valentin ont fait preuve d’une ingéniosité redoutable dans la dissimulation de leurs avoirs. Les enquêteurs font face à un enchevêtrement complexe de sociétés-écrans, de comptes bancaires ouverts sous des identités interposées et de structures fiduciaires disséminées dans plusieurs juridictions offshore. Ce réseau savamment conçu a permis de brouiller les pistes et de rendre le traçage des flux financiers particulièrement difficile. Toute chose qui ralentit le travail des autorités judiciaires et des cabinets spécialisés dans le recouvrement d’actifs détournés.

Ces opérations se heurtent à des contraintes pratiques : des divergences de législation et des juridictions suspicieuses de la volonté réelle des autorités gabonaises d’aller jusqu’au bout de la procédure.

Mais malgré ces obstacles, des premières saisies ont déjà été réalisées. Ainsi, en Suisse, le procureur de Genève a engagé une procédure pénale contre Sylvia Bongo et Noureddin Bongo depuis plus d’un an déjà. A ce titre, la Confédération helvétique a procédé au gel d’une somme de plusieurs millions de dollars. Dans ce cadre, certains protagonistes mis en causes ont été entendus et sommés de justifier l’origine de ces fonds. Le Gabon, par l’intermédiaire d’un cabinet de renom dans le recouvrement d’actifs détournés, s’est joint à la plainte. Sans surprise, les avocats de la famille Bongo tentent aujourd’hui d’obtenir le retrait de la plainte déposé par le Gabon, sans toutefois nier le transit de certains fonds via des paradis fiscaux.

En effet, le 3 octobre 2024, le Gabon a reçu une demande formelle d’entraide judiciaire émanant du canton de Genève. Dans son courrier, il est précisé que le Ministère public de la République et Canton de Genève mène une instruction criminelle contre Sylvia Bongo Ondimba, pour des faits de blanchiment d’argent selon l’article 305 bis du code pénal suisse. « Le Ministère public genevois est en charge d’une instruction pénale ouverte à l’encontre de Sylvia Valentin… pour des faits qualifiés de blanchiment d’argent » peut-on lire dans la correspondance adressée par voie diplomatique aux autorités gabonaises.

Selon des informations disponibles dans ce même courrier, Sylvia Bongo aurait ouvert un compte bancaire auprès de la banque ERIC STURDZA SA à Genève, vers lequel auraient été transférés des titres provenant de comptes à Monaco détenus auprès de Rothschild Martin Maurel. Ces mouvements financiers sont actuellement soumis à enquête. Le Gabon s’est constitué partie plaignante à travers sa plainte déposée.

Force est de reconnaître que ces interpellations se déroulent à l’approche du procès de Sylvia et Noureddin Bongo, prévu pour débuter le 10 novembre 2025 à Libreville. Le calendrier judiciaire est étroitement lié aux procédures de gel et aux enquêtes suisses et à plus grande échelle sur d’autres juridictions.

Des montants vertigineux et le rôle des banques complices

Selon nos sources, les montants détournés sont décrits comme vertigineux, et impliquent des centaines de milliards de francs CFA selon les enquêteurs. Il est fort probable que plusieurs grandes banques internationales aient fermé les yeux sur ces transactions suspectes. Dès lors, une problématique centrale se pose : ne faudrait-il pas engager des poursuites également contre ces institutions financières ? Des établissements qui, par leur passivité ou complicité silencieuse, auraient permis l’évasion illégale de capitaux publics.

Même si les procédures sont longues et semées d’embûches, il ne fait aucun doute que les autorités gabonaises (épaulées par un réseau de procureurs internationaux de plus en plus dense) s’investissent pleinement pour que les fonds détournés et biens immobiliers liés à Sylvia Bongo Ondimba et Noureddin Bongo Valentin soient restitué à la République du Gabon.

Il faut reconnaître que la route est ardue : elle implique des concertations diplomatiques, des dossiers judiciaires complexes et la coopération de multiples États. Toutefois, les premiers résultats (gel de comptes et saisies) témoignent d’une volonté de rupture avec l’impunité. À l’heure où un procès majeur s’annonce, la pression internationale comme domestique pourrait faire basculer les ténèbres de l’opacité vers la lumière de la justice. Attendons de voir.

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